Reportage international

Israël: quand la guerre à Gaza s'invite sur la scène de l'opéra

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C'est l'histoire d'une collaboration artistique de prestige entre Londres et Tel-Aviv qui s'effondre. Le Royal Ballet & Opera du Royaume-Uni a annulé sa participation à Tosca, refusant d'associer son nom à l'opéra israélien. En cause : le soutien affiché de l'institution à l'armée israélienne dans la guerre à Gaza. Les Britanniques dénoncent un lieu qui « récompense et légitime ouvertement les forces même, responsables des meurtres quotidiens de civils à Gaza », en référence aux billets gratuits offerts aux soldats. Mais loin d'annuler, l'opéra israélien contre-attaque : il monte l'œuvre seul et promet une version éminemment politique.

Anat Czarny, mezzo-soprano à l’Opéra de Tel Aviv.
Anat Czarny, mezzo-soprano à l’Opéra de Tel Aviv. © Michel Paul / RFI
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De notre envoyé spécial à Tel-Aviv 

« Quand les canons ont tonné, les muses ne se sont pas tues », proclame Nili Cohen, la présidente du conseil d'administration de l'opéra israélien de Tel-Aviv. Et c'est précisément ce qui est reproché à cette institution dans une lettre ouverte de plus de 200 membres du Royal Ballet and Opera de Londres, qui ont annulé une coproduction de la Tosca de Puccini. « C'est un alignement délibéré avec un gouvernement actuellement engagé dans des crimes contre l'humanité », affirment les signataires du texte.

Tali Barash Gottlieb, directrice générale l'opéra israélien, raconte : « Nous avons rencontré de grandes difficultés au cours de l'année qui s'achève. Et nous nous attendons à des problèmes pas moindres lors de la prochaine saison. Et c'est pour cela que nous mettons l'accent sur la participation de créateurs israéliens. C'était, de toute façon, notre intention pour cette quarantième saison qui est véritablement l'occasion de présenter sur le devant de la scène des talents israéliens, car les productions internationales présentent un grand défi. »

La Tosca est donc au programme de cette nouvelle saison emblématique. Mais dans une production purement israélienne donc. Une situation qu'Anat Czarny, mezzo-soprano à l'Opéra de Tel-Aviv, regrette profondément. « Je peux comprendre les deux protagonistes concernés. Mais j'étais très déçue, car je crois que l'art est quelque chose de sacré. C'est quelque chose produit pour rapprocher les gens les uns des autres. J'ai un peu l'impression que ce n'est pas la politique qui est gagnante, mais plutôt l'art qui est perdant », se désole la chanteuse. 

Après la période du Covid-19, et surtout depuis le 7 octobre 2023, la profession de chanteuse lyrique est très précaire en Israël. Mère de deux enfants, Anat Czarny va entamer une carrière parallèle d'infirmière, un de ses rêves d'enfance : « Le matin, je suis soit à l'hôpital, soit à l'opéra. Le soir, soit à l'opéra, soit à l'hôpital. Mais quand même, je veux être chanteuse d'opéra. C'est tout ce que je voudrais faire. » 

Également au cœur de cette nouvelle saison de l'opéra israélien : le Dibbouk, histoire dans la tradition juive kabbaliste d'un esprit qui entre dans le corps d'un vivant pour le posséder, à la suite de mauvaises actions. Tout un programme.

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