À la Une: au Cameroun, l’assassinat de Martinez Zogo tourne à l’affaire d’État
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L’enquête se poursuit au Cameroun après l’assassinat du journaliste Martinez Zogo dont le corps horriblement mutilé avait été retrouvé le 22 janvier dernier. Et l’étau se resserre autour des personnes soupçonnées d’avoir fomenté l’enlèvement et le meurtre du journaliste. Ces suspects sont encore interrogés au Secrétariat d’État à la défense. Parmi eux, l’homme d’affaires et magnat des médias, Jean-Pierre Amougou Belinga et Maxime Eko Eko, commissaire divisionnaire et patron de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE).
D’après Jeune Afrique, « une inculpation des principaux suspects ne fait plus guère de doute. Menée conjointement par la police et par la gendarmerie, l’enquête sur la mort de Martinez Zogo a paru progresser rapidement ces derniers jours. Une trentaine de personnes sont maintenant placées en garde à vue, et de nouvelles interpellations ne sont pas à exclure. »
Tension au sein des services
Au sein de la DGRE, c’est l’émoi. « La tension est à son comble, rapporte le site Actu Cameroun. Et la "boîte" ou "la piscine" (comme elle est surnommée) est divisée. Une partie des agents secrets pensent que leur patron est victime "d’une manipulation de haute facture orchestrée depuis le sommet de l’État". Ils veulent réagir. Ils menacent de publier des informations top–secrètes sur certains membres du gouvernement. »
Clans rivaux
Quoi qu’il en soit, à la suite de cette affaire, « le Cameroun est en état de choc », soupire le site 237 Online. « Ce meurtre indique une détérioration grave du régime monarchique de Paul Biya, où une justice corrompue agit à la solde du pouvoir en place pour éliminer les opposants et les ambitieux. […] La mise à mort de Martinez Zogo, exécuté par des agents de l’État, est une menace pour l’ensemble des droits et libertés civiques au Cameroun. »
Et le site d’information camerounais pointe que « l’arrestation de plusieurs responsables des services de renseignement et les témoignages recueillis par Reporters sans frontières présentent l’homme d’affaires, Jean-Pierre Amougou Belinga, comme le principal commanditaire de l’assassinat. Martinez Zogo l’accusait dans ses émissions de profiter des largesses et de l’appui des ministres des Finances et de la Justice. Les deux hauts responsables en question sont des figures de proue d’un clan en lice pour le pouvoir, en rivalité avec une autre faction animée par le Secrétaire général de la présidence, qui a été le premier à annoncer les arrestations. »
Impitoyable guerre de succession
En France, le journal Le Monde consacre un éditorial sans concessions à cette affaire. « La violence, le secret, le clanisme et la prédation caractérisent depuis bien longtemps l’emprise déliquescente de Paul Biya, qui règne sur le Cameroun depuis 1982, affirme Le Monde. Mais l’assassinat de Martinez Zogo, journaliste de radio pourfendeur de la corruption instituée au sommet de l’État, par son degré de sauvagerie et le moment où il est survenu, peu avant le 90e anniversaire de l’autocrate, lundi, montre que tout va être permis, même le pire, dans l’impitoyable guerre ouverte pour sa succession. […] Tous les pays attachés à la démocratie doivent peser, estime Le Monde, pour exiger la vérité dans l’affaire Martinez Zogo et user de leur influence afin que ce crime abominable ne reste pas impuni. […] Pour la France, pointe encore Le Monde, Paul Biya est un allié à la fois encombrant, précieux et dont l’inévitable succession suscite de lourdes inquiétudes, dans un pays pivot d’Afrique centrale. Entre accusations d’ingérence et rappels de ses responsabilités, la ligne est étroite pour Paris. Le calvaire de Martinez Zogo sonne comme un avis de tempête sur un paysage crépusculaire. »
Et pour ce qui est de Paul Biya, qui vient donc de fêter ses 90 ans, « son mandat s’achève en 2025, pointe Le Journal du Cameroun. Bien que le RDPC, le parti au pouvoir, n’ait pas tenu de congrès depuis 2011, empêchant ainsi le débat sur la transition, il y a de temps en temps une réorganisation interne du parti. Le président s’en est servi pour contrôler les menaces potentielles à sa suprématie, d’où les nombreux ex-ministres et directeurs généraux en prison, victimes de l’opération Epervier. Mais deux clans (Bulu et Nanga) se livrent une bataille féroce pour sa succession. Le système de Biya a fait son temps, s’exclame Le Journal du Cameroun. Sa longévité repose sur son caractère impitoyable et sa perspicacité politique. Malheur à celui qui s’aventurera, dans son camp, à prononcer sa candidature à la présidence, avant l’heure, excepté son fils Franck. »
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