À la Une: la liberté de la presse «en pleine déliquescence» au Sahel
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Un constat établi par Reporters sans frontières (RSF), qui publie ce 3 avril un rapport sur le journalisme au Sahel. Un rapport rendu public, hasard du calendrier, deux jours après l’expulsion par les autorités militaires du Burkina Faso des correspondantes des quotidiens Le Monde et Libération. Dans ce rapport, l’ONG de défense de la presse revisite une décennie noire. « Ces dix dernières années qui ont vu l’émergence de groupes jihadistes armés et la multiplication des attaques terroristes, l’arrivée au pouvoir de juntes et le délitement de la situation sécuritaire. Du Tchad au Bénin en passant notamment par le Niger et le Mali, relate RSF, les journalistes ont vu leurs conditions de travail se détériorer très nettement. Depuis novembre 2013 et la mort au Mali des reporters de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, au moins sept journalistes ont été tués (au Sahel). Six sont portés disparus. Près de 120 ont été arrêtés ou sont encore détenus. Et les menaces de mort, les agressions, les entraves, le saccage de matériel et de locaux se comptent en dizaines. »
Pour en revenir à l’expulsion des deux correspondants de Libération et du Monde, ce premier commentaire de Christophe Deloire, secrétaire général de RSF : « La junte au pouvoir au Burkina Faso n’imagine pas à quel point elle se décrédibilise, avec ses violations de la liberté de la presse réitérées. Un régime pris dans une spirale infernale qui entend camoufler ses exactions. Arbitraire et indigne. »
« Inacceptable » !
Colère également à la direction du Monde : « Des expulsions inacceptables », s’indigne le journal. « À rebours des accusations d’"espionnage", entre autres mensonges colportés sur place à son encontre, notre correspondante décrit depuis plusieurs années, par des enquêtes fouillées et donnant la parole à toutes les parties, la situation au Burkina Faso. La précision de ce travail, récemment récompensé par un Prix Varenne, a visiblement fini par paraître insupportable au régime d’Ibrahim Traoré, président de transition depuis six mois. Après la suspension des antennes de RFI puis, plus récemment de France 24, ces deux expulsions marquent un nouveau recul majeur de la liberté d’informer sur la situation au Burkina Faso. »
« Faiblesse » !
Colère aussi à la direction de Libération : « Petit à petit, le gouvernement de transition organise le départ forcé de tous les médias étrangers et menace de plus en plus le droit d’informer des médias burkinabè indépendants, affirme Libération, en multipliant les intimidations contre les journalistes. Les expulsions de notre correspondante et de son homologue du Monde, que nous condamnons fermement, ne représentent pas une manifestation de force des autorités du Burkina, mais trahissent plutôt une certaine faiblesse. Un État solide est un État où la presse est libre et indépendante. Force est de constater que ce n’est plus le cas au Burkina Faso. »
« Écarter les journalistes, c’est nous affaiblir »
Sur place, à Ouagadougou, la presse réagit avec prudence. « Les journalistes et les médias font partie de la société, les écarter, c’est nous affaiblir », peut-on lire sur LeFaso.net. « En temps de paix ou de guerre, la production de l’information ne change pas. Ce sont les mêmes contraintes de sélection des menus en conférences de rédaction, de discussion et d’échanges entre journalistes sur la nécessité ou pas de traiter un sujet, de vérification des faits, de prendre des points de vue contraires, d’écouter toutes les parties, etc. »
« Liberté de la presse et communication de guerre : l’impossible cohabitation ! », affirme pour sa part le quotidien Aujourd’hui.
Enfin, le Collectif des journalistes, activistes et leaders d’opinion victimes de menaces au Burkina publie une tribune sur le site d’information WakatSéra : « La critique ou la contradiction ne sauraient devenir des délits voire des crimes passibles de menace de mort ou de toute autre forme de persécution, de harcèlement et de violence », affirme ce collectif qui appelle les autorités « à préserver la quiétude et la sécurité du secteur des médias et de ses employés ».
Ce collectif des journalistes rappelle enfin que « le Burkina Faso est un État de droit démocratique dont la constitution en son article 8 donne le droit de s’exprimer librement et aux journalistes d’informer les populations au nom de leur droit à l’information ».
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