Trafic de drogue: comment le captagon se retrouve au cœur d’un conflit géopolitique au Moyen-Orient

Le captagon est une drogue de synthèse qui appartient à la famille des amphétamines. Son trafic est en constante augmentation. Essentiellement produit en Syrie et au Liban, le captagon est très prisé par la jeunesse des pays du Golfe. Dans cet épisode, Nicolas Falez, du service international de RFI pose les bases d'une enquête qui débute tout juste et qui va se poursuivre avec deux autres journalistes, Nicolas Feldman et Nicolas Keraudren, en Jordanie et dans le Golfe. 

Des agents de la Direction du contrôle des stupéfiants du ministère de l'Intérieur saoudien trient des comprimés de captagon saisis lors d'une opération spéciale le 1er mars 2022. © Fayez Nureldine / AFP

Dans ce nouvel épisode de Témoins d'actu, Nicolas Falez commence par détailler les raisons qui l'ont poussé à enquêter sur cette filière du captagon : « Ces dernières années et encore plus ces derniers mois, on a vu se multiplier les informations relatant de saisies de ce produit. On sent que ce trafic et la consommation de cette drogue apparaît essentiellement dans le paysage au Moyen-Orient. Nous avons vu aussi des récits contradictoires autour du captagon. Nous essayons de répondre à la question suivante : qu'est-ce que le captagon nous dit du Moyen-Orient aujourd'hui ? ».

Au Liban, Nicolas a donc tenté d'en savoir plus. Il s'est notamment rendu dans la plaine de la Bekaa, proche de la frontière syrienne, un endroit où sont soupçonnés de se trouver des ateliers clandestins de fabrication du captagon : « C'est très facile de fabriquer cette drogue. Une fois que l'on a les produits chimiques et la petite machine pour faire les comprimés, on peut installer cela dans sa cuisine et ou dans son garage ».

Une partie du mystère autour du captagon consiste à essayer de comprendre quels États ou organisations ou réseaux transfrontaliers sont financés par ce trafic. Nicolas Falez a donc rencontré des responsables politiques, mais aussi des membres du Hezbollah libanais, un parti proche de l'Iran et du pouvoir syrien de Bachar el-Assad. « La frontière entre le Liban et la Syrie est très poreuse. Le Liban reconnaît officiellement avoir une production criminelle illégale sur son sol. Pour la Syrie, c'est beaucoup plus opaque. Néanmoins, de nombreuses informations laissent  à penser qu'il y a aujourd'hui une production importante de captagon en Syrie ». 

La destination finale de ces comprimés, ce sont les pays du Golfe  : « Le captagon nous dit quelque chose de la région. On voit bien aujourd'hui que les tensions qui s'installent correspondent aux grands blocs géopolitiques. Le Hezbollah assure que la production, le trafic et la consommation de drogue sont interdits par l'Islam, reste que la perception d'un certain nombre de pays du Golfe, c'est bien que des pays ennemis sont à l'origine de ce flux d'une substance illégale qui est consommée sur leur sol ». 

Selon un récent rapport de l'institut américain, Newlines Institut, en 2021, le trafic de captagon a représenté un montant de plus de 5 milliards de dollars : « On réalise à quel point, l'appât du gain est essentiel dans cette affaire. Là encore, cela pose des questions géopolitiques dans la mesure où les soupçons se portent sur des pays en graves difficultés financières, le Liban et la Syrie. On imagine bien que les turbulences économiques que traversent ces deux pays peuvent tout à fait inciter des acteurs peu scrupuleux à chercher du financement de cette façon-là ». 

Et Nicolas Falez conclut : « Avec les journalistes Nicolas Feldman et Nicolas Keraudren, nous allons continuer à enquêter pour pouvoir proposer dans les prochains mois, sur RFI, une série de reportages sur ces différents pays pour comprendre comment le captagon, autrefois un médicament et désormais interdit, nourrit à la fois trafic et fantasmes dans la région ».

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