États-Unis: à quoi ressemble la bagarre anti-avortement dans les États conservateurs du sud?
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Le droit à l'avortement aux États-Unis, n'a jamais été aussi menacé. La Cour suprême s'apprête à annuler l'arrêt Roe v. Wade qui avait légalisé l'interruption volontaire de grossesse en 1973. Si cette décision est validée, près de la moitié des États pourraient interdire l'IVG ou fortement restreindre sa pratique. C'est le cas du Mississippi et de la Géorgie, d'où revient Marie Normand, journaliste au service international de RFI. Elle a rencontré des militants pro-life et des défenseurs de l'avortement. Elle raconte.

Dans cet épisode de Témoins d'actu, Marie Normand revient dans un premier temps sur les deux arrêts qui encadrent l'avortement aux États-Unis. Le premier date de 1973, Roe v. Wade, il autorise les femmes à mettre fin à une grossesse tant que fœtus n'est pas viable. Au-delà, c'est à l'appréciation des États de poser ou non des restrictions. Le second s'appelle Planned Parenthood v. Casey, et date de 1992. Il empêche les États de mettre trop d'obstacles à l'IVG. « Cela fait des années que les États conservateurs du Centre et du Sud du pays essayent de forcer la Cour suprême à se prononcer à nouveau sur la question. Elle s'est saisie d'un dossier dernièrement et ce qui a fuité dans la presse, c'est qu'elle devrait donner raison à ceux qui veulent que ces deux arrêts soient annulés ».
Marie, s'est rendue dans le Mississippi, « Sur le chemin, dit-elle, j'ai vu le long des autoroutes, les panneaux publicitaires qui montrent des nourrissons avec le mot vie en énorme. Des affiches anti-avortement, avec aussi parfois des panneaux qui invitent les conducteurs à se repentir. Dans cet État, il y a aussi beaucoup d'établissements qui se présentent comme des cliniques, mais qui n'en sont pas. Ces établissements sont en fait tenus par des organisations chrétiennes évangéliques dont l'objectif final est de dissuader les femmes de mettre un terme à leur grossesse. Ils proposent des tests de grossesse gratuits, des échographies gratuites ».
Devant la clinique de Jackson, la seule qui dans cet État pratique encore des interruptions volontaires de grossesse, Marie Normand raconte : « Dès 7h du matin, il y a déjà une dizaine de manifestants devant la clinique avec des grands panneaux qui montrent des fœtus avortés. Ce sont des militants anti-avortement. Ils chantent, ils crient, plutôt des cantiques, des chants religieux, ou des versets du Nouveau Testament. Ils apostrophent les patientes qui viennent avorter. J'ai trouvé ces scènes d'une grande violence envers le personnel, qui reçoit des menaces de mort à peine voilées, mais aussi envers les patientes qui ont déjà pris une décision difficile ».
Marie poursuit en expliquant que le maillage des organisations pro-life commence très tôt : « Elles ont des ramifications dans les universités, les lycées, les collèges. Ce combat anti-avortement, il est mené avant tout par les églises chrétiennes évangéliques, qui sont majoritaires au Mississippi. D'ailleurs, ces églises, elles ont souvent un département pro-life qui encourage à aller manifester devant les cliniques. C'est très impressionnant ».
On comprend aussi dans cet épisode que le sujet de l'avortement reste tabou et très clivant. C'est aussi un enjeu électoral. « Une sociologue m'expliquait que les représentants, les élus de l'État, de toute façon ne reprendront jamais les revendications des femmes qui souhaitent conserver ce droit d'avorter parce que ce serait un suicide électoral. Là-bas, même les candidats démocrates, progressistes, ne défendent pas l'avortement. S'ils le faisaient, ils ne pourraient pas être élus ».
Mais les États conservateurs ne sont pas tous sur la même ligne. « En Géorgie, c'est devenu un enjeu de campagne pour les élections de mi-mandat. Quand il y a cette fuite dans la presse, sur ce qu'envisageait de faire la Cour suprême, les démocrates se sont emparés du sujet en expliquant qu'il fallait absolument placer des candidats dans toutes les strates de l'administration de la Géorgie pour protéger ce droit à l'avortement ou ne pas appliquer les lois qui seraient éventuellement votées par les républicains. Et les électeurs en parlent ».
Il ne fait guère de doute, que la Cour suprême valide sa décision d'annulation des décrets Roe/Casey. Marie conclut en disant qu'elle espère pouvoir retourner aux États-Unis dans quelques mois : « Cela m'intéresse aussi de voir les conséquences pour les États qui auront décidé de garantir ce droit à l'avortement et qui verront sans doute affluer un nombre important de femmes venant d'États où cela n'est plus possible. Seules les plus riches pourront le faire. C'est un sujet dont on va beaucoup parler dans les années à venir ».
►À écouter aussi : Avortement aux États-Unis, le Mississippi au cœur de la bataille
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