Les questions frontalières continuent de plomber les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan

L’Arménie a connu ces dernières semaines une série de manifestations de grande ampleur, après un accord passé avec l’Azerbaïdjan au sujet de la délimitation de leurs frontières communes. La restitution de quatre villages est mal passée. Il faut rappeler que les deux pays sont en conflit depuis plus de 30 ans au sujet de la province sécessionniste du Haut-Karabagh, que l’Azerbaïdjan a reprise totalement l’automne dernier, militairement. Où en sont ces manifestations dans cette région en plein troubles en ce moment ? 

Un point de passage à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans le Haut-Karabakh, vue d'une route près du village de Kornidzor, en Arménie, le 23 septembre 2023. © Irakli Gedenidze / Reuters

De notre correspondant dans le Caucase du Sud, 

Elles sont en train de s’éteindre. Mais il est vrai qu’elles ont été importantes, plus de 30 000 personnes le 9 mai. Ce qui en fait les plus importants rassemblements depuis 2018 et la révolution de velours menée par Nikol Pachinian, devenu Premier ministre, jusqu’à aujourd’hui.

Enfin, les manifestations de 2018 étaient beaucoup plus importantes. Là, il s’agissait de protester contre la restitution à l’Azerbaïdjan de ces quatre villages.

À lire aussiArménie: manifestations quotidiennes contre les concessions territoriales à l'Azerbaïdjan

C’est toujours un moment délicat, lorsqu’on touche aux frontières d’un pays. À fortiori pour l’Arménie, avec le passé tragique qu’on lui connaît et la défaite militaire en 2020, achevée en septembre dernier, avec la perte de la province du Haut-Karabagh.

L’importance de ces rassemblements dit quelque chose des risques qui pèsent sur l’Arménie ?

Certainement. La restitution de ces villages s’est faite au terme d’un accord entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, entre Bakou et Erevan. Il a été signé le 20 avril, et c’était la première fois que les deux ex-républiques soviétiques résolvaient un problème à la table de négociation en trois décennies.

C’est un bon signe, en même temps, le vainqueur, l’Azerbaïdjan, ne semble faire aucune concession. Cela ressemble encore à la loi du plus fort malgré tout, d’autant que les forces azéries occupent toujours plus de 200 km² de territoire arménien, totalement illégalement.

Mais par ailleurs, ces manifestations ont été menées par un prêtre de l’église apostolique arménienne, l’archevêque Bagrat Galstanian. Un personnage très charismatique, qui est allé protester dans ces zones frontalières où les villages doivent être abandonnés à l’Azerbaïdjan. Il y a fait de l’agitation, disons, a lancé un ultimatum au gouvernement de façon assez populiste avant de s’afficher aux côtés de dirigeants de l’opposition. Donc cela a jeté le doute sur le sens de son engagement. On se demande s’il n’y a pas eu, avec le père Galstanian à la manœuvre, une sorte d’instrumentalisation politique de ce contexte pour le moins sensible.

À lire aussiLe rôle trouble de l'Azerbaïdjan sur la scène mondiale

Quelle est la suite ?

Le Premier ministre Nikol Pachinian dit que le processus de normalisation des relations avec l’Azerbaïdjan doit se poursuivre, que c’est le seul moyen d’apporter la paix au pays. Message difficile à faire passer quand vous venez de perdre une guerre qui a fait 3 900 morts côté arménien.

D’autres segments de la frontière doivent être discutés, avec aussi des cas très délicats d’enclaves que les deux pays ont chez l’un chez l’autre avec l’espoir à terme, pour M. Pachinian, de signer une vraie paix avec Bakou dans un contexte très lourd dans l’ancien espace soviétique, avec la guerre en Ukraine et une Russie très menaçante partout dans son voisinage.

À lire aussiHaut-Karabakh: quels obstacles à une paix entre l'Azerbaïdjan et l’Arménie?