Nikol Pachinian, un Premier ministre face à la défaite du Haut-Karabakh
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Après la capitulation des autorités du Haut-Karabakh, région enclavée au sein de l’Azerbaïdjan, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian s’est retrouvé sous le feu des critiques dans son pays. La rue et l’opposition exigent sa démission pour avoir « trahi les intérêts du peuple arménien », selon ses détracteurs. Le dirigeant arménien avait pourtant été adulé en 2018 lors de la « révolution de velours ». Il est aujourd’hui détesté.

Coincé, sous pression, Nikol Pachinian n’entend pourtant pas céder aux appels à la démission. Le Premier ministre arménien n’a pas envoyé de troupes pour porter secours au Haut-Karabakh lors de l’offensive azerbaïdjanaise le 19 septembre. Et la rue le lui reproche. Mais malgré la contestation, il tient à son fauteuil de Premier ministre : « Si j'entendais dire que ma démission normaliserait la situation, je le ferais dans la seconde », a-t-il déclaré le 4 octobre devant le Parlement arménien.
À 48 ans, Nikol Pachinian incarne une nouvelle génération de dirigeants arméniens qui ont peu connu l’Union soviétique. Ancien journaliste politique, sans expérience militaire, il a surtout fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille. Un profil qui dénote avec ses prédécesseurs, souligne Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France en Russie et directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Ifri) : « C'est un homme qui ne vient pas du sérail politique ni du Haut-Karabakh, contrairement aux anciens présidents Kotcharian et Sarkissian. Il a une sorte de liberté par rapport à ses prédécesseurs qui lui a permis de tenter un rapprochement avec le président azerbaïdjanais Ilham Aliev à certains moments et qui lui donne un regard plus froid sur le Haut-Karabakh. » C’est pourtant lui qui est tenu responsable de l’impasse actuelle par une majorité des Arméniens.
Fragilisé par la chute du Haut-Karabakh
Depuis la chute du Haut-Karabakh, la situation politique à Erevan est incertaine, et Nikol Pachinian fragilisé : « Le Haut-Karabakh étant le berceau de la civilisation arménienne, tout Arménien, quelles que soient ses convictions et ses orientations politiques, ne peut être que déstabilisé », relève Gaïdz Minassian, journaliste au Monde et enseignant à Sciences Po. « Nikol Pachinian avait fondé sa révolution et sa prise de pouvoir sur la lutte contre la corruption et sur le retour de la dignité de la personne et de la citoyenneté en Arménie, un élan victorieux quelque part. Et là, il enregistre un fiasco : la perte du Haut-Karabakh. »
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Comment sortir du fiasco pour Nikol Pachinian ? Par la paix avec Bakou ? Mais peut-il conclure un accord avec son adversaire azerbaïdjanais, le président Ilham Aliev ? Les deux dirigeants sont censés se retrouver d'ici à la fin octobre pour des négociations sous l’égide de l’Union européenne. « Il a tout intérêt à faire en sorte que l’Arménie, grâce à une paix éventuelle, trouve sa place dans la région », explique Gaïdz Minassian. « Mais la question est de savoir si son interlocuteur azerbaïdjanais a les mêmes intentions. Ilham Aliyev doit tenir compte d’une réalité, mais est-ce qu’il ne va pas chercher à jouer plutôt le rapport de force en faisant croire d’un côté qu’il négocie, et de l’autre côté, au moment où on s’attend à ce qu’il signe une paix, il retire sa signature ou il temporise ? »
Sur quelles alliances compter ?
Pour enfin parvenir à la paix, Nikol Pachinian a besoin d’un soutien extérieur. Mais il ne croit plus à l’alliance historique avec la Russie, qu’il accuse de n’avoir rien fait pour empêcher la victoire de l’Azerbaïdjan au Karabakh. Alors vers qui d’autre se tourner ? Les Européens semblent trop concentrés sur le front ukrainien pour éparpiller leurs forces dans le Caucase. Surtout, ils ne sont pas pressés de renoncer au gaz azerbaïdjanais. « Je ne vois pas d’autre pays que la Russie pour envoyer des troupes et maintenir la paix », pointe Jean de Gliniasty (Ifri). « La Russie parle à l’Azerbaïdjan et équipe l’Arménie en matériel. Pachinian diversifie ses interlocuteurs, mais il a besoin fondamentalement de la Russie. Il n’y a pas d’autre garant des frontières de l’Arménie pour l’instant que la Russie. »
L’Arménie est confrontée à des menaces sécuritaires constantes. Après le Haut-Karabakh, le pays craint d’être la prochaine cible de Bakou. Alors faute d’un concurrent sérieux capable de l’évincer du pouvoir, Nikol Pachinian continue à endosser le poids de la résistance arménienne.
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