La censure chinoise sévit au-delà des frontières nationales
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En Thaïlande, une exposition qui se clôt dimanche 19 octobre a été victime de la pression diplomatique de Pékin. Intimidé, l'artiste birman exposé a dû quitter le pays et ses œuvres ont été retirées. Un nouvel épisode d’intervention chinoise visant à influencer ou censurer des institutions culturelles à l’étranger.

Depuis Londres, Sai, artiste birman et curateur, se remémore les moments qui ont précédé son départ de Bangkok : « Quarante-huit heures après l’ouverture de l’exposition, on a reçu l’information de la part de la conservatrice que le ministère des Affaires étrangères demandait qui était "Myanmar Peace Museum", l’organisation que nous avons fondée avec ma conjointe ». Soit un deuxième déracinement.
Le père de Sai est un politicien de l’État Shan, en Birmanie, et est dans les geôles de la junte depuis le coup d’État en 2021. « Depuis son arrestation, je plaide pour sa libération et celle de plus de 30 000 prisonniers politiques détenus en Birmanie », lance l'artiste. Il considère « l’art comme une plate-forme » pour « donner de la visibilité » à sa nation et sa cause. Mais cet été, il a vu sa démarche entravée alors qu’il participait à « Constellation de complicité », une exposition représentant des artistes de différents pays victimes d’oppression afin de montrer comment les régimes autoritaires collaborent pour appliquer leur répression.
« Alors qu’on était dans les embouteillages, nous avons reçu un appel de la part de la direction de l’exposition qui nous a dit : la police est là et elle vous demande. Tout de suite, on a su qu’il fallait partir, tout comme on a fui la Birmanie en 2021. J’ai eu cet instinct immédiatement. » Le lendemain, des représentants de l’ambassade de Chine escortés par des autorités locales auraient demandé la fermeture de l’exposition. Dans leurs viseurs, des œuvres d’artistes tibétains, ouïghours ou hong-kongais. Autant d'habitants de régions qui ont été soit envahies par Pékin, comme le Tibet en 1950, soit dont la population est sévèrement réprimée, comme les Ouïghours au Xinjiang, soit une ancienne colonie britannique où tout discours opposé à Pékin est puni par de la prison, dans le cas de Hong-Kong.
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Finalement, après négociations, l’exposition a pu ouvrir à nouveau, avec des modifications. « Les noms de quatre artistes ont été effacés, comme les drapeaux tibétains ou ouïghours, les images ou les paroles du Dalaï Lama, énumère Sai. Pourtant, aucun n’était ressortissant chinois. » Les œuvres de Tenzin Mingyur Paldron, artiste transgenre tibétain, ont aussi été presque entièrement retirés.
À distance, Sai continue à suivre la situation et assure que l’exposition est restée sous surveillance policière. « Tous les artistes de cette exposition se sont battus contre leur propre régime autoritaire. On ne peut pas laisser passer cela, on a l'obligation de se battre, non seulement pour nous, mais pour la liberté d’expression, assure-t-il. On doit dénoncer cette invasion sur la souveraineté culturelle thaïlandaise. » Pékin, premier partenaire économique de Bangkok, dispose d’importants moyens de pression sur le royaume thaïlandais.
Un scénario qui se répète. En septembre, la représentation taïwanaise au Kazakhstan a accusé la Chine d’être intervenue pour empêcher avec succès l'exposition d’artistes taïwanais. En France, plusieurs associations tibétaines ont déposé une mise en demeure contre le musée Guimet pour avoir effacé le mot « Tibet » dans une exposition mettant en avant des œuvres de la région contrôlée par Pékin, après son invasion en 1950. Le musée aurait préféré l’appellation « monde himalayen » ou « Xizang », le nom chinois du Tibet.
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