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Gérald Remy, inspecteur des collections au Mobilier national [4/9]

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Le Mobilier national et les manufactures ont toujours été des lieux de création contemporaine, collaborant avec des artistes, artisans d’art et designers depuis l’époque de Louis XIV. La commande d’œuvres d’art textile et de mobilier contemporain intègre ainsi les résidences de l’État français. Des collections riches de 130 000 biens : tapisseries, meubles, textiles et céramiques reflètent l’évolution de l’ameublement officiel en France depuis le XVIIe siècle.

Gérald Remy, Inspecteur des collections au Mobilier national
Gérald Remy, Inspecteur des collections au Mobilier national © Maria Afonso
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Gérald Remy est inspecteur des collections au Mobilier national. Il veille à la conservation, la gestion et la valorisation d’œuvres du Mobilier national, en particulier celles datant de 1900 à 1964.

J'avais déjà un intérêt pour le Mobilier national en tant que conservateur du patrimoine. Mais, il faut savoir que le Mobilier national n'est pas qu'un lieu de conservation, c'est aussi un lieu de création. Ce qui est vraiment étonnant, c'est de jouer sur ces deux tableaux, d'être là et de se dire que l’on crée et que l’on voit créer des œuvres qui vont arriver dans le patrimoine français.

« Ces éléments qui ont été contemporains et qui sont contemporains, par exemple en 2025, peut-être que dans 50 ans, on va les vénérer comme des objets totalement patrimoniaux et qu'il faudra préserver au maximum. C'est ce qui s'est passé déjà au XVIIIe siècle. C'est un exemple que je cite énormément : nous avons des sièges de Saint-Cloud pour la reine Marie-Antoinette qui sont dans nos collections et à chaque fois, les visiteurs les voient comme des icônes. Je leur rappelle toujours que ce sont des sièges. Au départ, avant d'être des icônes, ce sont des meubles, des objets qui étaient pratiques. Beaux, mais pratiques. »

Originaire de Franche-Comté, dans l’est de la France, Gérald Remy nourri sa passion pour l’art et l’architecture dès l’enfance dans un environnement familial attaché à l’histoire et à la beauté des objets. Après un parcours académique prestigieux à l’École du Louvre et la Sorbonne, il intègre le ministère de la Culture, en passant le concours de conservateur. Il travaille notamment à Beaubourg, au Fonds national d’art contemporain, et au sein de la direction des affaires générales du ministère de la Culture. Il rejoint le Mobilier national en 2009. « Je connaissais déjà parce que j'avais certains de mes condisciples de l'école du Louvre qui étaient ici, qui étaient inspecteurs, et je suis venu. Mais bien sûr, je connaissais déjà le Mobilier national puisque j'étais en rapport avec eux pour les dépôts au ministère de la Culture. C'est très drôle de se retrouver à la fois demandeur et puis après pourvoyeur, si l'on peut dire. Vous avez toujours un rapport d'étonnement lorsque vous arrivez, parce que cette institution, lorsque je suis arrivé, n'était pas aussi ouverte. C'était une institution qui travaillait beaucoup, mais qui communiquait peu. Où l'on était encore dans le secret, puisque qu'elle était au service des plus grands de ce monde français, du président de la République, des institutions. Mais qui avait la chance d'avoir des collections fabuleuses et qui mettait tout en œuvre pour les présenter, pour les mettre en avant, aussi bien auprès des institutions qu'auprès des musées et des institutions étrangères. Tout un panel d'interlocuteurs passionnant. »

Fauteuil dans les réserves du Mobilier national
Fauteuil dans les réserves du Mobilier national © Maria Afonso

Gérald Remy est inspecteur des collections, un métier hérité du XIXe siècle, dont il apprécie la richesse historique et les responsabilités. « C'est une spécificité du Mobilier national. Inspecteur, c'est vraiment le terme employé depuis la fin du XVIIIe et XIXe siècle. Nous sommes inspecteurs des collections, inspecteur du Mobilier national. Nous avons un rôle d'inspection. C'est-à-dire de retrouver, de recoller tous les objets que nous avons en dépôt pour être sûrs qu'ils sont bien présents, en bon état et dans les lieux où on les a déposés. Parce qu'un meuble bouge. Un siège, cela peut passer d'un bureau à un autre. Notre mission, c'est non seulement de les retrouver, mais de savoir si, lors de ces transports, ils n'ont pas été abîmés, détériorés ou s'ils nécessitent de revenir au Mobilier national. C'est l’une de nos premières missions, bien sûr, cette mission de récolement. Mais nous avons également une mission d'étude de ces collections. Certains meubles, on croyait les connaître, mais grâce à l'étude de leur numéro d'inventaire, des marques qu'ils portent sur leur bois ou sur leurs textiles, nous pouvons retrouver leur histoire. La petite histoire, bien sûr, de leur création, mais aussi la grande, puisqu'ils furent souvent utilisés pour des grands événements. C’est vraiment formidable. »

Paravent et tapisserie au mobilier national
Paravent et tapisserie au mobilier national © Maria Afonso

Une partie du travail de Gérald Remy consiste à effectuer le récolement. C’est-à-dire la vérification des collections, à documenter leur histoire à partir des inventaires, des archives et des photographies, et à veiller à leur bon état et à leur localisation précise en faisant un état des lieux régulièrement. « Au Mobilier national, jusqu'à maintenant, nous avions une obligation de dresser un inventaire tous les cinq ans. Tous les cinq ans, nous préparons cette inspection en reprenant toutes les listes pour savoir ce que l'on doit vraiment trouver. À partir de ces listes, nous allons prendre des rendez-vous sur place. C'est ce que nous avons fait, en 2022, pour les services du Premier ministre, puisque je suis en charge des services du Premier ministre également. Nous avons fait des inspections sur tous les lieux du Secrétariat général du gouvernement. Nous sommes un peu comme Saint-Thomas. Il nous faut voir nos petits, une fois tous les cinq ans, pour savoir s'ils sont bien tous là, en bon état et s'il n'y a pas des choses à faire revenir. Parfois même, nous sommes force de proposition en disant "Écoutez, vous avez un élément pour lequel nous pourrions vous proposer quelque chose en plus pour finir un décor, pour finir une atmosphère." »

Assise et son étiquette au Mobilier national
Assise et son étiquette au Mobilier national © Maria Afonso

La gestion des collections couvre une large période, de Louis XIV à nos jours, Gérald Remy se consacre aux objets des années 1900 à 1960 et doit aussi répondre aux besoins d’usage moderne. 

« Par exemple, le mobilier du XIXe siècle, qui était au départ toujours un mobilier d'apparat, ne correspond plus aux us et coutumes administratives du XXIe siècle. Mais cela ne veut pas dire qu'il a perdu de sa qualité et de sa fonctionnalité. Malgré tout, nous allons le réutiliser autrement avec des réaménagements scientifiques, ces dépôts et parfois des collections qui réapparaissent. Je suis donc responsable des collections des années 1900 à 1960, pendant à peu près une quarantaine, cinquantaine d'années. Les collections de 1930 à 1950 n'étaient plus utilisées pour les ameublements. Suite au Covid et à un plan de soutien aux restaurateurs, et pour abonder ce plan de soutien, nous avons utilisé les collections. Mes collections de ces années 1940, 1950, elles ont été restaurées et elles resservent désormais pour les ameublements. Nous n’allons pas les utiliser en "total look", c'est-à-dire recréer un bureau qui aurait connu des ministres du Front populaire. Non, nous allons utiliser une pièce avec d'autres pièces contemporaines, et instituer un dialogue entre le tout pour que cela soit vraiment représentatif de la période et des arts décoratifs français. »

Fauteuil et paravent dans les réserves du Mobilier national
Fauteuil et paravent dans les réserves du Mobilier national © Maria Afonso

Au-delà de la conservation, Gérald Remy joue un rôle essentiel dans la création, en participant à des projets contemporains, à la réintégration d’œuvres dans leur contexte historique. Ou encore à la réédition d’objets pour répondre aux besoins d’usage moderne. Pour Gérald Remy, préserver le patrimoine, ne suffit pas, il faut le faire vivre. « Les nouveaux hommes et femmes politiques sont de plus en plus jeunes. Ils veulent également coller non seulement à l'actualité, mais aussi à leur vie. Parce qu'un ordinateur sur un bureau Louis XV, Louis XVI, ce n'est pas très pratique. Nos jeunes gouvernants n'aiment plus cela. Ils aiment le design, ils aiment tout ce qui est création contemporaine. Nous achetons donc soit des œuvres de designers, mais créés et vendus par des magasins, soit au sein de l'atelier de recherche et de création, l’ARC, des projets que nous avons demandés à des designers et qui sont fabriqués au sein du Mobilier national. »

L’inspecteur des collections exerce une fonction à la fois scientifique et artistique. Il vérifie la présence des objets déposés dans divers lieux, qu’il s’agisse de ministères, d’ambassades ou de réserves, et quelques fois cela permet de compléter l’histoire d’un meuble. Une grande fierté pour Gérald Remy.

« Nous avons de très grandes réserves. Pendant des années, je suis passé devant un grand meuble de la période art déco, très beau. Il dormait là. Il était conservé, mais muet. Il avait un numéro d'inventaire, mais pas de créateur. Rien. Je l'ai vu une fois, deux, trois, quatre, cinq fois. Je m'en suis imprégné énormément. En refaisant d'autres recherches, j'ai feuilleté des ouvrages sur l'exposition de 1925 et sur quoi je suis tombé : sur une photo d'une pièce qui avait été créée par la Maison Dominique pour l'espace de la société des artistes décorateurs. Sur cette photo, le meuble était là, bien présent. À partir de cette photo, j’ai pu remonter toute son histoire, c'est-à-dire qu'il a été présenté en 1925, acheté directement par le Palais de l'Élysée pour l'ameublement du Palais de l'Élysée. En 1939, 1940, l'Élysée est fermé puisque la guerre est venue, et ce meuble est apporté dans les réserves du Mobilier national pour être protégé. Pris à l'inventaire, il vient dormir pendant presque trois quarts de siècle, jusqu'à ce que je le réveille. Depuis, sur sa fiche, nous avons son année de création, son historique et également le nom de ses créateurs, la Maison Dominique. C’est primordial, c'est le but de nos recherches, notre rôle, ici, au Mobilier national. »

          

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