Jean-Brieuc Chevalier et son paravent «Mille fleurs» brodé sur bois
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Aujourd’hui, métiers d’art et reconnaissance d’un savoir-faire d’excellence avec Jean-Brieuc Chevalier, prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main, dans la catégorie Talents d’exception. Ce prix distingue un artisan d’art pour la réalisation d'une œuvre résultant d’une maîtrise parfaite des techniques et des savoir-faire des métiers d’art, tout en révélant un caractère innovant qui contribue à l’évolution de ce savoir-faire.

Pour Jean-Brieuc Chevalier, ébéniste, marqueteur et brodeur sur bois, cette distinction, plus qu’un aboutissement, est le début d’une nouvelle étape dans sa recherche artistique. Nous l’avons rencontré lors de la présentation de son œuvre primée Mille fleurs.
Nous avons la possibilité de faire tout ce que nous voulons, de fabriquer, de construire quelque chose, de pouvoir voir physiquement le travail fait. C'est assez grisant et c'est vraiment unique.
Jean-Brieuc Chevalier, ébéniste, marqueteur et brodeur sur bois, fondateur de Jean-Brieuc Atelier.
À la fin de mes études, pendant six mois, j'ai cherché du travail et je n'en ai pas trouvé. J'ai mis six mois à monter le projet de mon atelier et le jour où il a fallu remplir les papiers, je n'avais aucune idée de ce que j'allais mettre. Finalement, j'ai mis mon prénom. J'ai eu la chance, j'ai un prénom composé qui n'est pas commun. J'ai mis mon prénom, accolé atelier et puis c'est tout.
Né à Brest, Jean-Brieuc Chevalier débute des études de physique-chimie mais, passionné par le bois et la création manuelle, il se réoriente vers l’ébénisterie, CAP, brevet de métiers d’art et diplôme des métiers d’art en poche, il fonde son atelier. Il réalise des pièces uniques en bois avec l’envie d’approfondir d’autres techniques comme la marqueterie et la broderie sur bois. « Nous faisons de l'ébénisterie, marqueterie, broderie, nous avons appris en pratiquant. Ce sont des métiers qui restent encore très cloisonnés, en tout cas dans l'apprentissage. C'est l'héritage des différentes corporations. C'est plus une envie, du désir d'approfondir là-dessus parce que j'ai envie de le faire, j'en ai fait à l'atelier. Plus largement, c'est un métier passion donc il exige tout mon temps, toutes mes pensées. Je me lève le matin, je pense à mon boulot, je me couche le soir, je dors avec mon boulot et toute ma vie, tous les jours de ma vie sont tournés autour de mon boulot. »

Jean-Brieuc Chevalier, dans son atelier avec son équipe de huit personnes, associe techniques traditionnelles et recherches. Pour la réalisation de broderies à base de perles de nacre, il conçoit au préalable le dessin de l’œuvre sur ordinateur. Une méthode, sans aucune improvisation, qui lui permet d’obtenir une précision extrême et des motifs complexes. « Tous les décors sont dessinés à l'avance, toutes les perles sont mesurées, tous les trous sont programmés. Nous brodons deux fois. Une première broderie à l'ordinateur où on place toutes les perles une par une, où on dessine tout dans le détail de la broderie. Tout est dessiné et décidé à l'avance. Après, il y a la deuxième broderie. Une fois le panneau percé, nous rebrodons entièrement le panneau. Il y a zéro improvisation. Pour l'instant, je ne fais que des décors qui sont perlés. J'utilise des perles qui viennent du Japon, de la marque Miyuki parce que ce sont des perles qui sont extrêmement calibrées. Et comme nous dessinons tout à l'avance, il faut utiliser des perles bien calibrées, surtout à l'échelle, parce que nous faisons des objets avec 60 000 ou 300 000 perles. Nous ne pouvons pas avoir une perle sur deux qui ne soit pas à la bonne dimension. Il faut que tout soit parfait. »

Le prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main, dans la catégorie Talents d’exception a été décerné à Jean-Brieuc Chevalier, cette année, pour la réalisation de son œuvre intitulée Mille fleurs. Cette marqueterie haute couture est un paravent d’inspiration médiévale avec une profusion de fleurs et de végétaux, d’animaux réels ou imaginaires. Un hommage à la tradition de la tapisserie avec une touche contemporaine.
« C'est un grand paravent de 2 mètres 80 de haut par 2 mètres 50 de large. Il est composé de six panneaux. C'est un paysage de fleurs entièrement marqueté dans le fond. Tout le feuillage est en marqueterie de bois avec trois ou quatre bois. Tout est rehaussé de broderie. Il y a une dizaine de fleurs différentes qui forment un peu un parterre. Cela remplit à peu près les deux tiers du paravent, les deux tiers bas et le haut. Le bois évoque l'horizon du paysage. Et au milieu de toutes ces fleurs, il y a des petits lapins qui jouent, se baladent dans le paravent, et notamment, il y a un petit lapin qui rentre dans un terrier et qui, deux panneaux plus loin, ressort du terrier. C'est un clin d'œil à la tapisserie de l'Apocalypse que nous avons à Angers. Angers est une ville de la tapisserie. Elle n'a pas la renommée d'Aubusson, ni les Ateliers d'Aubusson, mais c’est une ville très imprégnée par la tapisserie. C'était aussi faire un clin d'œil, un hommage à cette ville dans laquelle je travaille. »

Bois, marqueterie, broderie, au-delà du procédé, c’est la passion mais aussi l’innovation qui animent cet artisan d’art. « Je pense que la recherche est évidemment au centre de tout. À la fois sur la technique, la création, motifs, ce que nous voulons exprimer. La technique, oui, parce que quand j'ai commencé la broderie et ce que je fais aujourd'hui, elle n'a rien à voir avec la technique que je faisais. J'avais déjà commencé à faire de la couture sur du bois pendant mes études. Aujourd'hui, j’ai résolu beaucoup de questions sur la réalisation pour que l'ensemble soit vraiment parfait et propre. J'ai mis beaucoup de temps à trouver les bonnes colles, les bonnes solutions. Avant, je brodais sur du placage et maintenant j'arrive à broder sur la marqueterie, la manière de percer a changé aussi. J’ai réussi à changer pas mal de choses quand on a commencé à travailler pour l'Orient-Express, parce que je fais des lits pour le nouvel Orient-Express, pour Maxime D'angeac. Évidemment, les conditions du train ne sont pas les mêmes qu'un meuble, nous avons donc eu pas mal de recherches pour "upgrader" (valoriser) notre technique. Sur le décor, on touche à la fois à l'ébénisterie et sur la broderie, et un peu par extension, à la mode, les applications, les inspirations sont infinies. La broderie, c'est quelque chose de commun à l'humanité. Dans tous les pays, toutes les civilisations, il y a toujours eu des décors brodés. Et la créativité autour de la broderie est infinie, donc il y a encore beaucoup de recherches à faire dessus. »

Chêne, noyer ou peuplier, pour la naissance d’une œuvre unique, Jean-Brieuc Chevalier sélectionne le bois le plus adapté.
« J'aime beaucoup le chêne, mais le noyer est un bois très doux et soyeux. On va surtout huiler le noyer. C'est un bois qui s'huile super bien et qui est assez sensuel quand on le caresse. Il y a quelque chose d'assez extraordinaire, je pense, avec ce bois et surtout le noyer blond. Le noyer blond est d’une beauté hors du commun. Beaucoup de panneaux bois sont fabriqués en France, nous avons beaucoup d'usines de grands fabricants, que ce soit du mélaminé, du contreplaqué. Les panneaux comme le bouleau viennent de Finlande, de Russie ou d'Ukraine, mais là on n'a pas le choix, parce que le bouleau, c'est un bois qui vient du Nord. Mais nous avons encore beaucoup de bois français. Les gens nous connaissent et je ne sais pas pourquoi, quand une entreprise ferme, on nous appelle : "Est-ce que vous voulez récupérer notre stock de placages ?" Nous avons donc beaucoup récupéré de placages de partout. Nous avons une belle collection de placages que nous n’avons pas achetés, que nous recyclons et que nous utilisons. »

Jean-Brieuc Chevalier doit sa reconnaissance professionnelle aux rencontres et surtout à celle de son conjoint qui l’a soutenu, y compris financièrement, à ses débuts. « Nous ne faisons pas une création à deux. C'est lui qui a investi dans mon entreprise, quand j'ai démarré. Il faut toujours aussi quelqu'un qui soit carré dans la vie, parce que moi, je ne le suis pas. Quelqu’un qui aime l'administratif. Les premières années, c'est lui qui faisait ma comptabilité aussi. Il est chirurgien de la main et il m'accompagne. Je pense que sans lui, l'atelier n'existerait pas comme il l'est aujourd'hui. Parce que grâce à lui, je n’ai pas de pression financière de fou. Et cela m'a permis de réinvestir tout ce que j'ai pu gagner avec l'entreprise. J’ai réinvesti dans les créations, les machines. Aujourd'hui nous pouvons faire des choses assez dingues et c'est aussi parce que j'ai eu la chance d'être avec lui. Nous avons trois profils : un profil d'ébéniste qui va fabriquer les meubles, toutes les étapes pour l’ébénisterie, une équipe de marqueterie et une de broderie. Moi, j'ai la chance d'avoir une super équipe. Tous les jours, c’est du bonheur d'aller œuvrer avec toutes les personnes avec qui je travaille. »
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