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RDC, coalition Cach-FCC: «l’heure n’est pas à la rupture»

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Au Congo-Kinshasa, voilà un an, jour pour jour, que le gouvernement de coalition entre les pro-Tshisekedi et les pro-Kabila a été formé. C'est un gouvernement pléthorique de 65 membres, qui a déjà connu plusieurs crises, mais qui tient toujours. A-t-il tenu ses promesses de réformes ? Combien de temps va-t-il encore tenir ? Le pro-Tshisekedi Jolino Makelele est ministre de la Communication et des Médias. Il reconnait qu'il y a des couacs, mais affirme que l'heure n'est pas à la rupture. En ligne de Kinshasa, il répond à RFI.

(illustration) Joseph Kabila et Félix Tshisekedi côte à côte lors de la cérémonie d'investiture du nouveau président congolais, à Kinshasa le 24 janvier 2019.
(illustration) Joseph Kabila et Félix Tshisekedi côte à côte lors de la cérémonie d'investiture du nouveau président congolais, à Kinshasa le 24 janvier 2019. REUTERS/ Olivia Acland
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RFI: Voilà un an que votre gouvernement est en place, mais beaucoup de Congolais sont déçus car ils ne voient aucun changement dans leur vie quotidienne. Que leur répondez-vous ?

Jolino Makelele: D’abord le changement. Vous savez que nous venons de loin. Il a fallu faire des réformes, dont la plus emblématique : celle de la gratuité de l’enseignement. Cette gratuité a amené près de 4 millions d’enfants nouveaux qui étaient non scolarisés. Ces enfants, ils ont maintenant repris le chemin de l’école et avec eux, il y a des enseignants, que l’on appelle des nouvelles unités, qui ont accédé à l’enseignement. Des enseignants qui autrefois n’étaient pas pris en compte par l’État, les non payés que l’État a décidé de prendre en charge.
 

Grâce, en effet, à cette réforme en faveur de la gratuité de l’enseignement dans les écoles primaires, les parents d’élèves ne paient plus. Désormais, c’est l’État qui paie les enseignants, mais ceux-ci menacent de se mettre en grève car ils disent qu’ils sont moins bien payés qu’avant.

Vous savez, les enseignants, quoiqu’il en soit, il y a une évolution positive en terme de rémunération. Mais, certes, les enseignants pensent que, et ils n’ont pas tort, qu’ils méritent mieux. Et pour qu’ils méritent mieux, il faut que l’État et les finances de l’État le permettent. Donc, il faut tout faire pour que l’économie marche. Mais il faut quand même imaginer ce qu’étaient les parents il y a quelque temps. Parce que lorsque nous avons mis 4 millions d’élèves dans l’enseignement, nous avons donné du pouvoir d’achat aux parents. Les parents, qui autrefois devaient se débrouiller, avaient des difficultés à trouver de quoi payer les études des enfants. Cette difficulté-là, elle est en partie éludée. Vous savez, la Covid-19 est passée par là et les économies, qui sont extraverties comme la nôtre, sont les économies qui sont les plus frappées. Les plus grandes recettes d’exportation qui servent à soutenir notre balance des paiements, elles ont été affectées par la Covid-19 puisque la demande de matière première a baissé, donc les rentrées fiscales n’ont pas été à la hauteur de ce que nous avions prévu dans notre budget.
 

Vous aviez prévu pour 2020 un budget de 11 milliards de dollars. Quelle sera la réalité au terme de cette année 2020 ? Vous serez bien en dessous, évidement ?

Il est certain, puisque je suis à l’école de la vérité, je mentirais si je vous disais que le budget de 11 milliards sera tenu. Donc les prévisions, nous pensons pouvoir tenir dans les environs des 10 milliards si l’économie marche bien et si les réformes sont rapidement mises en place. Mais si les choses prennent un peu de temps, nous pourront peut-être être dans les eaux des 7 milliards, quelque chose dans le genre.
 

Autour de 7 milliards de dollars ?

Entre 7 et 8, je pense que c’est très raisonnable.
 

Le Premier ministre Sylvestre Ilunga est pro-Kabila et le président Tshisekedi a profité d’un déplacement en province de Sylvestre Ilunga pour faire un vaste remaniement dans l’armée sans la contre-signature de son Premier ministre. C’était le mois dernier. Est-ce que ce n’est pas le signe que le président n’a pas confiance dans son Premier ministre ?

Non. Je pense vraiment que ce problème est derrière nous. Si c'était un problème aussi gravissime, je crois que cela aurait affecté le fonctionnement du gouvernement, mais moi qui suis membre du gouvernement, qui participe au Conseil des ministres, je peux vous dire que cette situation a été réglée entre les deux têtes de l’exécutif. Et donc, les incompréhensions, qui ont pu avoir lieu çà et là, ont été surmontées, dans l’intérêt du pays d’ailleurs.
 

Un autre vrai « couac », c’est la tentative de mise sous tutelle des procureurs et du parquet par le ministre de la Justice. Ce qui a provoqué la colère du chef de l’État et la démission du ministre pro-Kabila de la Justice. Où en est-on aujourd’hui ?

Bon, c’est vrai que le vice-Premier ministre, ministre de la Justice et garde des Sceaux a présenté sa démission. Et finalement, on attend surement qu’il sera pourvu à cette fonction dans les jours ou semaines qui viennent. Mais le Président de la République a montré aussi qu’il avait une façon de gérer ce pays qui ne pouvait pas s’accommoder de ce comportement de la part des ministres.
 

Après tous ces « couacs », comme vous dites, de ces deux derniers mois, est-ce que l’on n’est pas en train de passer d’un gouvernement de coalition à un gouvernement de cohabitation ?

Non, la coalition demeure la pierre angulaire des institutions au cours de ce mandat de cinq ans. Parce qu’une cohabitation serait porteuse des germes de dislocation de ce pays. Cette coalition-là, nous l’avons souhaitée entre les gens du FCC et nous, le Cach.
 

Vous dites « Nous le Cach » parce que vous avez été le porte-parole de l’UNC de Vital Kamerhe et que vous avez donc voté Tshisekedi en décembre 2018. On s’approche de 2023, Félix Tshisekedi va vouloir se représenter et Joseph Kabila va vouloir sa revanche. Donc, est-ce que plus les années vont passer et plus vous allez être rivaux entre Cach et FCC ?

Non, je ne pense pas, parce que nous avons tous compris, FCC comme Cach, qu’en dehors de cette coalition, ce serait des troubles. Il y a toujours des petits « couacs », mais l’heure n’est pas à la rupture parce que nous pensons que la rupture est vraiment la chienlit.

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