Aujourd'hui l'économie

LVMH joue la carte du patriotisme économique pour justifier l’abandon de Tiffany

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Officiellement, c’est à la demande du gouvernement français que LVMH renonce à racheter Tiffany. Vexée, la fiancée américaine riposte en justice. Quelles sont les réelles motivations de l’État et du champion mondial du luxe ? 

Le patron de LVMH, Bernard Arnault.
Le patron de LVMH, Bernard Arnault. REUTERS/Christian Hartmann
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L’affaire est peu commune. Cette fois ce n’est pas pour empêcher le rachat d’un fleuron français mais au contraire pour limiter son extension que l’État intervient. Car quand le rachat de Tiffany par le champion français du luxe a été annoncé, en novembre dernier, on parlait du mariage de l’année. En mettant 14 milliards d’euros sur la table LVMH, le numéro un mondial s’offre alors sa plus chère et sa plus belle acquisition. Tiffany est une entreprise juteuse qui lui ouvre encore plus grande la porte du deuxième marché mondial du luxe que sont encore les États-Unis. La démarche du ministre des Affaires étrangères intimant au champion mondial du luxe de reporter la noce intrigue. Paris serait donc en train de s’aligner publiquement sur les méthodes américaines et chinoises en s’immisçant dans la vie des entreprises privées pour régler ses contentieux commerciaux, s’interroge l’économiste Gregory Vanel, l’un des rares experts du commerce international acceptant de donner son avis sur la question.

C’est la mise en place d’une diplomatie économique ?

Le Quai d’Orsay relativise : cette lettre confidentielle a une valeur politique, fait savoir une source gouvernementale citée par l'agence Reuters mais non contraignante, contrairement à ce que laisse entendre LVMH ; sur le fond, le porte-parole du gouvernement assume : la lettre envoyée le 31 août à LVMH arrive bien en réaction à la taxe Gafa portée par Paris, et contestée par Washington. En représailles, en juillet l'administration américaine a déclenché une nouvelle salve de sanctions commerciales, des droits de douane supplémentaires sur des produits de luxe, qui entreront en vigueur le 6 janvier prochain ; le Quai d’Orsay souhaite donc que LVMH reporte la noce à une date ultérieure. Paris ne veut pas se laisser faire, Bruno Le Maire a enfoncé le clou mercredi : les Américains ne veulent pas d’un accord au sein de l’OCDE. Si le blocage se confirme, l’Union européenne doit assumer seule ce projet de taxe, estime le ministre. En différant le mariage, le Quai d’Orsay, responsable du commerce extérieur, aurait donc un levier supplémentaire pour faire plier les États-Unis.

Du point de vue américain, le patriotisme à la française a bon dos : cette lettre ne serait qu’un prétexte pour marchander

C’est l’avis de Tiffany, de la presse américaine et partiellement de l’expert du luxe le plus respecté ; quand l’offre a été faite en novembre dernier, on croyait encore que les ventes du luxe étaient un peu comme les diamants, éternelles. Depuis, le Covid est passé par là, étrillant les profits de tous les géants du secteur. Les ventes ont reculé globalement de 20 à 30% ; Tiffany a souffert plus que les autres, son chiffre d’affaires a chuté de 37% au premier semestre. Le prix du mariage apparaît alors excessif ; Bernard Arnault aurait cherché à négocier à la baisse, en vain. A priori le Français n’a pas trouvé la brèche dans cet accord très bien ficelé juridiquement. Aujourd'hui, il préfère jeter l’éponge ou attendre que le marché ne revienne à de meilleures dispositions, ce qui pourrait prendre trois ans. Il devra en payer le prix, son renoncement l’expose aujourd’hui à des poursuites judiciaires. Tiffany porte plainte et a de bonne chance de gagner devant un tribunal du Delaware. À la bourse, l’américain est déjà le grand perdant, son action a reculé de 7% mercredi tandis que celle de LVMH restait quasiment stable.

 

EN BREF

Les marchés espèrent aujourd'hui un signal rassurant de la Banque centrale européenne

La BCE qui fait aujourd'hui sa rentrée avec la réunion du conseil des gouverneurs va annoncer ses nouvelles prévisions de croissance. Et sur cette base elle pourrait donner des indices sur un éventuel soutien supplémentaire à l'économie avant la fin de l'année. Avec la recrudescence du Covid et les tensions sur le Brexit, la zone euro pourrait avoir besoin d'un nouveau coup de pouce.  

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