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Nigeria: face aux pénuries d'essence des raffineries illégales organisées (2/2)

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Le Nigeria fait face à une nouvelle pénurie d'essence qui cause le chaos dans les grandes villes du pays. Le premier producteur de pétrole brut du continent importe la quasi-totalité de son carburant et fait régulièrement face à des difficultés d'approvisionnement. Dans les régions pétrolifères, rongées par le chômage et la pauvreté, le carburant artisanal a envahi le marché. 

Selon les chercheurs, entre 5 % et 20 % de la production pétrolière du Nigeria est siphonnée, à destination du marché local ou international. (Image d'illustration)
Selon les chercheurs, entre 5 % et 20 % de la production pétrolière du Nigeria est siphonnée, à destination du marché local ou international. (Image d'illustration) REUTERS/Brendan McDermid/File Photo
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De notre correspondante à Lagos,

La période n'est pas facile pour le business de Lucky. Alors que la marine nigériane redouble d'efforts pour mettre un frein à la production de pétrole artisanal, ce raffineur d'une trentaine d'année dit avoir de plus en plus de mal à trouver l'argent que lui réclament chaque mois les militaires en poste dans les criques du delta du Niger.

« Nous ne préparons le carburant que la nuit, car ils disent que nous sommes des voleurs », explique Lucky. « Mais une fois que tu as payé l'armée et la défense civile, tu es tranquille. Sauf si bien sûr ils changent de chef, là tu peux avoir des problèmes, car il voudra que tu le paies d'abord. Moi, je gère 9 sites de raffinage illégal. Pour chaque site, je dois payer 4 000 euros. Donc, le total, c'est presque 40 000 euros. C'est ce qu'ils demandent. »

► À écouter aussi : Vol de pétrole dans le delta du Niger

Formation et rémunération

Le jeune homme au visage émacié et aux yeux brillants est un ancien « agitateur » qui a pris part aux attaques contre les infrastructures pétrolières au début des années 2000. Après la signature d'un accord d'amnistie avec l'État nigérian, il a pu recevoir une formation et de l'argent.

« Oui, ils m'ont donné de l'argent mais, au final, c'était trop peu. Seulement 125 euros par mois », constate Lucky. « Ils m'ont aussi envoyé en formation en Afrique du Sud pendant 9 mois – j'ai été formé à la soudure sous-marine. Du coup, grâce à ces connaissances, je suis capable d'ouvrir un pipeline moi-même. J'achète le matériel, je prends mes gars, je plonge et je l'ouvre, puis je pompe le pétrole brut. Ça coûte environ 5 000 euros d'ouvrir un point de branchement comme ça », poursuit-il.

Marché du trafic de pétrole illégal

Dans le delta du Niger, le trafic de pétrole illégal constitue un véritable marché, dans lequel sont impliqués aussi bien les anciens militants du mouvement pour l'émancipation du delta du Niger, les forces de sécurité et certains politiciens, selon le chercheur Tairla Macclint Ediebe.

Il faut des pipelines, il faut des bateaux, il faut de la sécurité, des armes, un marché. Il faut des structures pour pouvoir extraire le pétrole et le mettre sur le marché ou l'exporter. Et il est juste impossible que ce genre de structures existent totalement en dehors des structures formelles de l'État.

Selon les chercheurs, entre 5 % et 20 % de la production pétrolière du Nigeria est siphonnée, à destination du marché local ou international.

► À lire aussi : Nigeria: les petites mains du trafic de pétrole artisanal

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