En Tunisie, la crise économique s’aggrave sans signe d’accalmie. Dans le pays, face à l’inflation et la cherté de la vie, la débrouille et l’informel deviennent de plus en plus présents. Près de 45% de la population active travaillerait dans l’informel, selon une étude publiée en 2023 par le think tank l’Institut tunisien des études stratégiques et 50% des jeunes travaillent dans ce secteur. Mais la précarité et l’illégalité de cette économie sont dénoncées, même par les plus persévérants.

De notre correspondante à Tunis,
Dans la rue d’Espagne au centre-ville de Tunis, les étalages des marchands ambulants envahissent chaque matin les trottoirs. Ils vendent des vêtements, ustensiles en tout genre et objets de contrefaçon importés de Chine et transportés en Tunisie via l’Algérie.
Houssine Chaari, explique qu’il fait ce travail depuis 17 ans sans aucun statut légal. « C’est déjà bien que l’État me donne une carte d’identité, je n’ai rien d’autre. Je travaille au jour le jour. Si la police me dit de partir, je pars, sinon je travaille avec les gens, je vends des claquettes et si je gagne en fin de journée de quoi nourrir mes enfants et assurer leur scolarité, c’est déjà pas mal. »
Une économie informelle aux règles précises
À ses côtés, Sofien Jaballah, sociologue et auteur d’une étude avec le Forum des droits économiques et sociaux réalisée en 2022 sur l’écosystème de cette rue. Il explique que l’économie informelle obéit à des règles précises.
« C’est une économie informelle, mais formalisée, comment elle est formalisée ? La cohésion tribale, sécurité, assurance, financement par les mêmes familles. Donc, ils viennent d’une région de Sbiba ou de Jelma du centre-ouest, c’est une région marginalisée par l’État. »
La police tolère ces activités, selon Sofien, car l’État n’a pas de solution immédiate pour les régulariser et le taux de chômage est de 15% dans le pays. « Aujourd’hui, pour avoir un capital, pour avoir un financement de la banque, pour même trouver une petite source de financement, c’est presque quasi impossible alors que l’informel, il ouvre des portes, il donne des occasions pour la majorité des classes défavorisées. Ce n’est pas “l’American dream”, ce n’est pas une “success-story” mais c’est le “Tunisian dream” pour les pauvres », souligne Sofien Jaballah.
Un parcours rempli d'embuches
D’autres ont tenté de s’en sortir comme Habib el Bey, un jeune qui fait de la street-food et spectacles culinaires dans un food-truck dans différentes villes du pays. Il avait été arrêté en 2022, car il n’avait d’autorisation pour exercer son métier. Cet incident avait suscité l’indignation de l’opinion publique.
Un an plus tard, célèbre, il continue de faire ses sandwichs, mais il admet qu’il a toujours des difficultés. « Malheureusement, le fait d’ouvrir un food-truck n’est pas accessible à tous, il n’y a pas de cahier des charges. Moi, j’essaye à travers mes évènements et ma notoriété de montrer aux autorités que c’est possible de faire quelque chose de propre qui respecte les normes sanitaires », martèle Habib el Bey.
Si la Tunisie a mis en place, depuis 2020, le statut d’auto-entrepreneur, une majorité des métiers liés à l’informel n’a toujours pas de législation adéquate.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne