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Au Cameroun, l'affaire Glencore, pas encore jugée, est déjà lourde de conséquences

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L'affaire Glencore met en cause des pots-de-vin estimés à 11 millions de dollars – environ 7 milliards de FCFA – versés à des responsables de la SNH et de la Sonara pour obtenir des cargaisons de pétrole brut à prix préférentiel entre 2011 et 2018. Alors que le procès s'ouvrira devant la justice britannique en juin 2027, les répercussions se font déjà sentir au Cameroun. 

Le siège social de Glencore à Baar, en Suisse, le 14 avril 2011.
Le siège social de Glencore à Baar, en Suisse, le 14 avril 2011. AP - Urs Flueeler
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Une perte d'attractivité économique et une production de pétrole en repli. L'affaire Glencore, emblématique dossier de corruption, a joué un rôle non négligeable, notamment pour l'image du pays. Selon l'économiste Serge Godong, professeur à l'université de Yaoundé 2, il a aggravé la situation et les problèmes de gouvernance. Il explique :

« Il faut inscrire l'affaire Glencore dans la dynamique institutionnelle générale du pays, qui est en recul. C'est une perte de compétitivité, mais surtout une perte de réputation en matière de gouvernance. Le Cameroun apparaît aujourd'hui aux alentours du 28e rang africain des pays attractifs pour les investissements directs étrangers. Ce n'est pas honorable pour un pays qui prétend être la locomotive économique de l'Afrique centrale. »

Une enquête camerounaise ?

Sur le plan judiciaire, deux ans se sont écoulés depuis que le président Paul Biya a autorisé la SNH à déposer une plainte devant le Tribunal criminel spécial, afin qu'une enquête soit ouverte. Mais depuis, aucune information n'a été communiquée. L'avocat Henri Njoh Manga Bell, président de Transparency International Cameroon, s'interroge :

« Des aveux de Glencore, il ressort que de hautes personnalités ont été corrompues. Il est donc possible que certaines d'entre elles soient encore en fonction et qu'elles freinent toute tentative de faire la lumière. On a l'impression que la justice camerounaise attend l'ouverture du procès en Angleterre pour se décider, puisqu'elle n'a en réalité jamais lancé d'enquête ici. »

L'ampleur des pertes encore floue

Selon les éléments déjà connus, Glencore aurait racheté le pétrole camerounais environ 30% en dessous du prix du marché en échange des pots-de-vin. Les pertes sont donc considérables, mais difficilement chiffrables.

« Tant qu'aucune enquête n'a été ouverte à Yaoundé, il sera impossible d'évaluer précisément ce qui a été spolié, précise Alain Nkoyock, universitaire spécialiste de la gouvernance, tous les chiffres avancés aujourd'hui ne sont qu'approximatifs. » Le Cameroun pourrait récupérer cet argent, mais cela demande énormément de temps et de volonté politique, estime Alain Nkoyock : « Il faut un engagement politique fort, sans ambiguïté, pour poursuivre les responsables locaux impliqués. La deuxième chose, c'est une coopération internationale proactive, basée sur la transparence et la pression de la société civile. Le Nigeria a pu le faire justement parce qu'il y avait un autre gouvernement à l'époque qui était au pouvoir et qui l'avait mis vraiment tout son poids pour que cela soit fait. Et enfin, il faut inscrire le recouvrement des avoirs volés au Cameroun dans une stratégie nationale claire avec un bureau spécialisé. »

À la fin du mois d'août, l'administration fiscale camerounaise a malgré tout notifié à Glencore une dette de près de 11 000 milliards de FCFA, soit un peu moins de 20 millions de dollars, correspondant à des droits et taxes détournés.

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