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À Madagascar, une Gen Z face aux inégalités et aux manques de perspectives

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Samedi 4 octobre, le président Andry Rajoelina a entamé des consultations avec les forces vives de Madagascar : haut fonctionnaires, groupements d’entreprises et organisations de la société civile. En parallèle, des mobilisations pro et anti-gouvernement ont eu lieu le même jour dans le centre-ville de la capitale d'Antananarivo. Mais un imposant dispositif de sécurité a empêché les jeunes manifestants du collectif Gen Z de se retrouver place d’Ambohijatovo. Si les revendications de la Gen Z se sont diversifiées au cours de la semaine, le fond reste bien le même. Un sentiment d’injustice et d’inégalités qui prend racine dans le contexte économique de l’île. 

Des manifestants fuient les forces de police lors d'une manifestation nationale menée par des jeunes contre les fréquentes coupures d'électricité et les pénuries d'eau, à Antananarivo, Madagascar, le 4 octobre 2025.
Des manifestants fuient les forces de police lors d'une manifestation nationale menée par des jeunes contre les fréquentes coupures d'électricité et les pénuries d'eau, à Antananarivo, Madagascar, le 4 octobre 2025. Reuters - Siphiwe Sibeko
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Premiers motifs de colère au début des manifestations : les coupures d’eau et d’électricité. Pour Ketakandriana Rafitoson, la vice-présidente de Transparency International à Madagascar, la Jirama dans le collimateur de la Gen Z est devenu un symbole des problématiques de mauvaise gestion sur l’île. « Cette entreprise publique, censée garantir l'accès à l'eau et à l'électricité, est aujourd'hui synonyme de gaspillage, d'opacité, de collusion politique », affirme-t-elle. « Pendant des années, des contrats faramineux ont été attribués sans appel d'offres transparent, souvent des sociétés proches du pouvoir des marchés de carburant surfacturés par exemple, des projets de réhabilitation d'infrastructures détournées de leur objectif initial et des milliards engloutis sans aucun résultat tangible. Tout cela pendant que les citoyens subissent des coupures quotidiennes, que des familles vivent dans le noir », poursuit la chercheuse.

« Donc, la Jirama, pour moi, c'est plus qu'un scandale financier, c'est l'incarnation même d'un système où l'argent public sert à enrichir quelques-uns au lieu d'améliorer la vie de millions de Malgaches. Et les Malgaches, justement, ne sont pas dupes. Ils ont bien compris que c'était la corruption qui était au centre de ce problème, d'où les revendications aujourd'hui exprimées par la majorité », estime-t-elle.

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Taux de croissance en berne et peu d'opportunités d'emplois

Des questions de gouvernances qui ressortent dans le classement de Transparency International. Madagascar y occupe la 26e position sur 100. Une position qui stagne depuis plus de dix ans pour des raisons très précises, détaille Ketakandriana Rafitoson : « Les grandes affaires sont étouffées. Les institutions de contrôle sont fragiles et l'accès à l'information reste un combat au quotidien. Et cette impunité nourrit en fait l'injustice, creuse les inégalités, entretient la pauvreté, l'extrême pauvreté dans laquelle vivent 80 % de nos compatriotes. »

Une perception de la corruption élevée tandis que le niveau de vie des populations ne s’améliore pas, souligne l’économiste Aimé Ramiarison, enseignant-chercheur à l’université d’Antananarivo. « Le taux de croissance économique moyen est très faible. C'est-à-dire que depuis 2009, jusqu'en 2024, c'était de 2,3 % par an en moyenne. Donc, c'est très faible. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire une faible création de richesse », pointe le chercheur. « Deuxième signification, ça veut dire que le taux de croissance du PIB est revenu à paraître, négatif depuis 2009 jusqu'à maintenant. Et puis une faible croissance signifie également une très faible création d'emplois », poursuit Aimé Ramiarison.

« Et si nous regardons les statistiques sur le marché du travail, on constate que seulement 11 % des emplois totaux sont des emplois formels, que l'on peut donc qualifier d'emplois décents ou productifs. Et de l'autre côté, 85 % des emplois sont des emplois qualifiés, des emplois précaires. Ça veut dire qu'une grande majorité de la population exerce des emplois précaires, c'est-à-dire des emplois mal payés, sans aucune protection sociale », détaille-t-il. Le professeur souligne le peu de perspectives offertes aux jeunes. Des jeunes qui doivent également faire face à l’incertitude créée par la politique américaine qui pourrait compromettre notamment plusieurs milliers d'emplois dans le secteur textile sur l'île.

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