Sénégal: une saison blanche et humide pour l'arachide [1/2]
Publié le :
La campagne d’achat de la graine a commencé fin novembre et est toujours en cours. Avec leurs faibles récoltes, les agriculteurs préfèrent de plus en plus se détourner des circuits officiels pour vendre à des acheteurs étrangers qui offrent de meilleurs prix.

De notre correspondante à Dakar,
Dans le champ d’Abdoulaziz Ndiaye au village de Tioupane, la terre est encore humide. Pourtant la dernière pluie est tombée en octobre. « Ça, ce sont de fortes pluies qui se sont abattues pendant la saison des pluies. Cela a impacté sur la production des arachides et les plantes ne pouvaient pas se développer correctement. Ça a été vraiment une récolte catastrophique. Je peux dire que pendant les 10 ans passés, on n’a pas eu une saison pareille. »
Des pluies importantes, mais mal réparties dans le temps et qui ont commencé fin mai, plus tôt que d’habitude. Un effet du changement climatique dont il faudra tenir compte pour Ibou Faye, également cultivateur. « Si on s’était préparé en conséquence, peut-être, on aurait pu taper sur des variétés que l’on pourrait semer au mois d’août pour peut-être récolter en octobre. Cela relève de la compétence de l’État », estime Ibou Faye.
La moitié des terres cultivées dans le bassin arachidier
Dans le bassin arachidier, au centre du Sénégal, la graine occupe la moitié des terres cultivées. À quelques kilomètres du champ d’Abdoulaziz, les entrepôts de la coopérative GIPA, qui achète aux agriculteurs pour revendre à l’huilier Copeol, sont presque vides. Seuls quelques tas de sacs sont empilés.
Pour Sidy Ba, responsable de la coopérative et secrétaire général du Cadre de concertation des producteurs d’arachides : « À pareille époque déjà, l’année dernière, on avait plus de 300 tonnes ici. Aujourd’hui, c’est à peine si on a 30 tonnes. »
En plus des conditions climatiques, les cultivateurs ont peiné à se procurer de l’engrais et le prix du sac a explosé (de 15 000 francs CFA à 25 000 francs CFA environ). Parmi les raisons invoquées, la guerre en Ukraine, et l’export d’une grande partie de la production sénégalaise. La guerre des prix a donc été plus féroce encore cette année. « Et les prix proposés aussi n’étaient pas incitatifs en novembre 2022 », souligne Sidy Ba.
Écouler les stocks avant le début de la campagne
En début de saison, le prix plancher négocié en concertation avec les différents acteurs, dont les huiliers sénégalais, était de 275 francs CFA le kilo. Pas suffisant pour les cultivateurs. La présence sur le marché d’acheteurs étrangers, chinois en tête, a fait grimper les prix. Ils ont proposé jusqu’à 400 francs CFA le kilo et une plus grande flexibilité, ce qui a convaincu El Hadj Ndiaye.
« Je préfère vendre aux étrangers plutôt qu’aux huiliers nationaux parce que le prix est plus avantageux », assume-t-il. « En plus, je reste sur place, ils viennent me trouver directement au village pour acheter les arachides. Les Sénégalais, il faut aller vers eux aux points de collecte et le prix est moindre. »
Beaucoup de paysans se détournent donc des huiliers pour écouler leurs stocks avant même le début de la campagne. Le prix plancher a finalement été réévalué à 375 francs CFA le kilo. Mais face à des récoltes aussi aléatoires, l’avenir des cultivateurs est incertain. Selon la Banque mondiale, 27 % des ménages sénégalais vivent de la culture de l’arachide.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne