Tunisie: à Sfax, les migrants subsahariens contribuent à l'entrepreneuriat [1/3]
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À Sfax, ville portuaire et capitale économique à l’est du pays, des migrants subsahariens, installés depuis longtemps dans la ville, ont pu créer leur entreprise. Après les propos polémiques du président Kaïs Saïed, beaucoup sont venus soutenir la communauté de migrants en situation irrégulière et d’étudiants victimes d’agressions, grâce à leur réseau et leur ancrage local dans le monde associatif. Ils évoquent un avant et un après les propos du président. Un ressenti jusque dans la dynamique entrepreneuriale qui avait commencé à se former à Sfax...

De notre envoyée spéciale à Sfax,
À l’espace Kufanya, un incubateur pour des entrepreneurs migrants dans le centre-ville de Sfax. Paul Laurent Nyobe Lipot, Camerounais, a ouvert les lieux seulement pour ce reportage, les activités y sont à l’arrêt.
« Il n'y a pas d’activité parce que, depuis le discours du président, il devient difficile aussi de parler de questions d’intégration économique avec les migrants, parce que directement, ils nous sortent l’argument comme quoi le président de la République a dit, “il ne veut pas de nous en Tunisie” donc ce message d’intégration économique ne touche plus forcément les bénéficiaires migrants, mais tout de même, on reste mobilisés. On pense que la vague va passer », espère Paul Laurent Nyobe Lipot.
Malgré cette résilience, les déclarations du président et le tour de vis des autorités sur le statut des migrants en situation irrégulière, ont laissé des traces sur le plan économique. « Par exemple, vous avez la poste tunisienne où les migrants avaient la possibilité d’envoyer de l’argent à l’intérieur du territoire tunisien en payant leurs frais avec juste la présentation de leur passeport, là par exemple, là maintenant, ils ne le font plus. Ils n’ont plus l’autorisation de le faire, clairement, c'est indiqué, il n’y a pas une loi qui interdit aux étrangers de le faire, mais c’est indiqué que chaque agent refuse tout Subsaharien qui se présente pour envoyer de l’argent », indique-t-il.
Des difficultés persistantes
À ses côtés, Loïc Oyono, installé depuis six ans en Tunisie, il a fait ses études à Sfax et a ensuite monté son entreprise de développement informatique Ida Vision. Il évoque des difficultés administratives, à caractère parfois discriminatoires, persistantes. « J’ai près de six comptes bancaires en Tunisie et c’est hier que j’ai pu avoir la possibilité d’avoir un compte en dinars, mais même ce compte, il est en attente. Normalement pour le moment, c'est juste pour payer les factures et ainsi de suite », explique Loïc Oyono.
Frank Yotedje, directeur exécutif de l’association Afrique intelligence et qui possède Sapientia, un cabinet de consulting qui accompagne juridiquement les migrants, note un retour en arrière. « Même pour des services basiques, on demande la carte de séjour, même pour des simples légalisations, même pour des simples documents et ça a rouvert le cercle vicieux dans lequel on avait l’impression depuis 2018 d’être sortis, le cercle vicieux du titre de séjour », indique Frank Yotedje.
Il est venu encourager la future génération lors d’un match de football à Sfax entre étudiants camerounais et gabonais, mais dans ce nouveau contexte, difficile de savoir combien d’entre eux resteront tenter l’aventure entrepreneuriale en Tunisie une fois leurs études terminées.
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