En quoi la Russie souffrira-t-elle de l’embargo européen sur son pétrole?

L’embargo sur le pétrole russe, proposé mercredi 4 mai par la Commission européenne, resserre un peu plus l'étau autour de la Russie. Peut-il vraiment affaiblir le Kremlin ?

Dans une exploitation de pétrole en Russie. REUTERS/Sergei Karpukhin/Files

Priver le Kremlin des revenus du pétrole, c’est aussi le priver de ressources pour financer sa guerre en Ukraine. Ce calcul des Occidentaux a du sens, car le brut est la machine à cash de l’État russe. Les taxes perçues sur l’or noir alimentent une grande partie de son budget. Les recettes d'exportation du pétrole destiné à l'Europe représentent 11% du PIB russe pour l'année 2021, le gaz seulement 2,5%.  Depuis le début de la guerre, les revenus des exportations d’hydrocarbures russes ont doublé. Ce méga bonus permet de financer les dépenses exceptionnelles, militaires ou sociales, liées à la guerre en Ukraine.

Que se passe-t-il si Moscou parvient à trouver d’autres débouchés pour son pétrole ?

Ce risque paraît aujourd'hui assez limité. On voit que des raffineurs chinois et les Indiens se précipitent sur ce pétrole russe actuellement bradé, mais en revanche les grandes entreprises publiques chinoises s'en tiennent à leur quota habituel. Et ces deux pays ne pourront pas absorber les 2,5 millions de barils que la Russie expédiait chaque jour en Europe. Enfin, le prix ne sera pas à l'avantage de la Russie. L'Inde négocie actuellement pour obtenir du pétrole russe à 70 dollars alors que le cours du Brent dépasse les 100 dollars le baril. Les revenus pétroliers de la Russie sont donc amenés à fondre avec l'embargo.

Les exportateurs russes doivent aussi réorganiser les flux vers de nouveaux marchés 

Les principaux oléoducs russes sont orientés vers l’ouest. Un seul tuyau relie la Russie à la Chine et il fonctionne à plein régime. Il faudra non pas des mois, mais des années et beaucoup d’argent pour construire un nouveau réseau desservant l’Asie aussi bien que l’oléoduc Droujba (« Amitié »), qui irrigue l'Europe. Les supertankers pourraient prendre le relais, mais pas sûr qu’ils soient prêts à s’exposer aux sanctions occidentales. Enfin, si les clients se font désirer, les producteurs russes seront contraints de fermer les puits. Contrairement à leurs concurrents saoudiens, il leur est très difficile de rouvrir aisément le robinet. Cet embargo va donc avoir des effets négatifs sur les revenus d'exportation et sur les capacités de production.

Une idée du manque à gagner potentiel ?

L’ancien oligarque et opposant Mikhail Khodorkovsky estime qu’un embargo européen sur le gaz et le pétrole priverait Moscou de la moitié de ses revenus. Aucun expert ne donne un chiffre aussi précis. Il faut aussi tenir compte de la réaction du marché. Si les exportations russes venaient à baisser, cela pourrait faire grimper les cours et donc rendre aux compagnies russes une partie du manque à gagner. L’embargo européen sur le pétrole, s'il est confirmé par les 27, affaiblira l’économie russe, mais il n'empêchera pas nécessairement le Kremlin de poursuivre la guerre en Ukraine. Son fonds souverain affichait 155 milliards de dollars au compteur au mois d’avril, de quoi couvrir les dépenses de guerre et les dépenses sociales si la manne pétrolière se tarit.

► En bref

Le pétrole est en hausse :

Le baril de brut grimpe à cause de ce projet d'embargo européen, le Brent a gagné 5 dollars hier, dépassant à nouveau le seuil des 110 dollars le baril.

Wall Street a terminé la séance en hausse

+2,80% pour le Dow Jones ; les investisseurs américains sont rassurés par les annonces du président de la Fed, il va bien procéder à un redressement des taux en commençant par une hausse de 0,5%, mais sans coup de frein trop brutal, il y aura d'autres hausses de la même ampleur, mais pas au-delà, contrairement à ce qu'ils redoutaient. Dans le sillage de la Bourse américaine, Hong Kong est en hausse ce matin. En revanche, les Bourses de la Chine continentale sont en baisse, elles sont toujours préoccupées par les confinements.