Arnaques financières: l'arnaque à la taxe carbone
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Un jour, une arnaque. RFI vous propose de revenir cette semaine sur ces escroqueries financières dont les instigateurs forcent l’admiration par leur ingéniosité. Aujourd'hui, l'arnaque à la taxe carbone en France. Une fraude à la TVA qui a permis à des escrocs de région parisienne de détourner entre 1,6 et 1,8 milliard d'euros en France. Pour comprendre cette fraude, il faut revenir à l'année 2005. Pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, un grand marché des quotas carbone est créé. Des quotas étaient attribués aux entreprises polluantes : si elles n'atteignaient pas leur plafond, elles pouvaient revendre ces quotas à d'autres entreprises.

Des quotas fixés par la Commission européenne chaque année pour chaque entreprise. Les plus gros pollueurs rachètent ainsi à ceux qui n'ont pas atteint leurs quotas. Petit à petit, le marché s’ouvre à toutes les sociétés, qu’elles soient ou non identifiées comme pollueuses.
Nos arnaqueurs du jour, des spécialistes de la fraude qui n'en sont pas à leur premier coup d'essai, s'engouffrent dans une faille : celle de la TVA, la taxe sur la valeur ajoutée. Ils appliquent sur ce marché du carbone une technique qu'ils ont déjà largement éprouvé, notamment dans la téléphonie.
Comment s'y prennent-ils exactement ?
D'abord, ils créent une entreprise de gestion de quotas carbone. Puis intervient l'arnaque : ils achètent à des sociétés étrangères des quotas hors taxe pour les revendre en France en y ajoutant les 20 % de TVA. Ce sont ces 20 % de TVA qu'ils détournent en ne les remettant pas à l'État.
Une fraude facilitée parce que les quotas carbone sont immatériels, ils ne laissent quasiment aucune trace. Et puis créer des sociétés de gestion de ces quotas était à l'époque très simple et très rapide. C'est ce que raconte Grégory Zaoui, l'un des cerveaux de l'arnaque dans le documentaire Netflix « Les Rois de l'arnaque ».
« Je fais un test, je crois avec 30 000 euros. J'achète, je les mets en vente et en quelques minutes, quelques secondes même, je suis crédité de 30 000 euros plus la TVA. Est-ce qu'il n'y a pas un loup, quelque chose de caché ? C'est trop simple. Ça me paraissait tellement simple. »
Qui sont ces hommes ?
L'arnaque au CO2 a finalement été pratiquée par une multitude de personnages, plusieurs équipes se forment. La cellule d'arnaqueurs la plus tristement célèbre est celle montée par des truands du quartier de Belleville à Paris.
Mardoché Mouly et Samy Souied s'associent avec un riche financier, Arnaud Mimran. Lui amène un capital, eux le font fructifier via le marché de la taxe carbone. Quand certains s'arrêtent après quelques millions d'euros empochés, le trio continue l'arnaque et dépense, dépense, dépense au vu et au su de tout le monde, à Las Vegas notamment.
« C'est les plus beaux palaces du monde. Femme de chambre à l'intérieur qui reste 24/24h, à n'importe quelle heure, vous vous levez, vous avez besoin d'un bonbon, on vous le met dans la bouche. Le créateur de Las Vegas, je lui dis bravo. Bravo, c'est Euro Disney pour les adultes », raconte Mardoché Mouly dans le documentaire de Guillaume Nicloux, « Les Rois de l'arnaque ». De l'argent au delà du rationnel, et puis la chute inévitable.
Un préjudice à 283 millions d'euros
Dès l'automne 2008, donc après plusieurs mois de fraude, il y a une prise de conscience du régulateur du marché que quelque chose ne va pas. Puis la justice se saisit de l'affaire, mais elle mettra des années pour reconstituer le mille-feuille de sociétés écrans et d'opérations financières à travers le monde.
En 2010, un des cerveaux de l'arnaque, Samy Souied, est tué par balles en plein Paris. Puis en 2016, six hommes dont Mardoché Mouly et Arnaud Mimran sont renvoyés devant le tribunal. Les deux protagonistes principaux seront condamnés à 8 ans de prison ainsi que 283 millions d'euros de dommages et intérêts : le prix de leur forfait.

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