Les Nigérians attendent toujours les résultats du premier tour de la présidentielle qui s’est tenu samedi. Outre la lutte contre l'insécurité, le vainqueur devra rapidement redresser l'économie car la première puissance du continent africain est au bord du naufrage.

Le pays le plus peuplé d'Afrique est mondialement connu grâce à la profusion de ses talents : beaucoup d'artistes comme le chanteur Burna Boy. Des champions de la tech ou des affaires comme l’entrepreneur Aliko Dangote, l’homme le plus riche du continent africain. Mais à l'ombre de ces stars, l'immense majorité des Nigérians, 60% de la population, vit encore dans l'extrême pauvreté. C'est un phénomène rural, là où l'accès aux services de base, de l'eau courante à l'électricité, est encore inexistant. Ce pays de cocagne, avec un sous-sol riche en hydrocarbures, des terres fécondes capables de nourrir le continent, a vu son PIB réel chuter de 30% depuis 2015, date de l'arrivée au pouvoir de l'actuel président Buhari. La croissance moyenne de 1,4% a été bien trop faible par rapport à celle de la population, d'où l'appauvrissement généralisé des Nigérians.
Pendant ces deux mandats, le président Buhari a multiplié les initiatives malheureuses pour l’économie
Comme la fermeture de la frontière avec le Bénin pour promouvoir la production locale. Cette décision protectionniste, prise au mépris de la réalité économique, n’a fait que nourrir l’inflation, encourager les trafics et au passage détruire des entreprises nigérianes dépendantes de produits intermédiaires importés via cette frontière. En ce moment, les Nigérians expérimentent un nouvel enfer économique : une sévère crise de liquidités déclenchée par la banque centrale. Quelques semaines avant l'élection, elle a retiré les vieux billets de naira pour limiter le rachat des voix mais elle a été incapable de distribuer les nouvelles coupures. Une réforme mal menée et bien trop brutale dans une économie encore dominée par l'informel. Elle a pénalisé les plus faibles, les ménages qui ont besoin de cash pour couvrir leurs dépenses quotidiennes.
Comme le reste du monde, le Nigeria a aussi pâti des conséquences de la pandémie et de la guerre en Ukraine
Des événements qui ont mis le pays à genou. En propulsant l'inflation au-delà des 20%. Le prix du pain a augmenté de 35%, celui de l'essence a quasiment doublé. Le chômage s'est envolé, il concerne le tiers des actifs, plus de 40% de la jeunesse. Cette crise a fait exploser la criminalité. Les enlèvements se pratiquent maintenant à une échelle quasi industrielle. Plus de 4 000 ont été répertoriés en 2022. Presque deux fois plus que l'année précédente. Sept fois plus qu'en 2015. Dans un pays qui manque de tout, les rançons sont parfois payées en nature, en sac de riz ou de blé. L'autre sport national c'est le vol de pétrole. Le quart de la production nigériane serait détourné. Ces vols sont aussi bien le fait des habitants des zones déshéritées comme le Delta du Niger que des trafiquants qui revendent leur butin sur les marchés internationaux.
À qui profitent la rente pétrolière ?
C'est la principale source de revenu pour l'État et la principale source de devises puisque 90% des exportations proviennent des hydrocarbures. Les compagnies internationales sont aussi bien sûr parmi les premiers bénéficiaires de la rente. Mais une large part est tout simplement pillée par ceux qui sont censés en assurer le bon développement. L'armée, la compagnie nationale, les autorités locales sont toutes parties prenantes de ces ponctions qui gangrènent le secteur. D'où le désintérêt croissant des majors et le déclin continu de la production. Le Nigeria n'arrive même plus à sortir le quota de 1,8 million de barils par jour attribué par l'Opep. Une véritable plaie pour les finances publiques qui aggrave un peu plus le naufrage du premier pays pétrolier de l'Afrique subsaharienne.
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