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Batteries électriques: où en est l'Europe dans sa quête de souveraineté?

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La première usine de batteries pour voitures électriques en France s’apprête à ouvrir ses portes dans le nord du pays. L’usine ACC de Billy-Berclau est inaugurée ce mardi 30 mai en présence de cinq ministres français, allemand et italien. La production devrait, elle, commencer cet été pour une commercialisation en fin d'année. Une inauguration en grande pompe du site de la coentreprise de Stellantis, TotalEnergies et Mercedes, car cela représente un événement industriel pour la France. Au-delà de l'Hexagone, c’est l’Union européenne qui s'est lancée dans une course aux batteries électriques.  

Sur le site de la nouvelle usine de batteries Billy-Berclau Gigafactory ACC, à Billy-Berclau, dans le nord de la France.
Sur le site de la nouvelle usine de batteries Billy-Berclau Gigafactory ACC, à Billy-Berclau, dans le nord de la France. AFP - FRANCOIS LO PRESTI
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En termes de souveraineté, il faut encore savoir se projeter dans l’avenir. D'ici 2030, l'Europe vise 25% de la production mondiale de batteries contre 3% en 2020. Le Vieux Continent fait pâle figure face à la Chine qui représente « 70% de la production », selon Flavien Neuvy, directeur de l'observatoire de Cetelem. Les parts de marché restantes reviennent principalement à « la Corée du Sud et au Japon ».

Mais l’Europe est sur la rampe de lancement. Une cinquantaine de projets a été annoncée ces dernières années dont quatre dans la « Vallée de la batterie » dans le nord de la France.

Encore faut-il que cette cinquantaine de projets voit le jour. L’ONG Transport & Environnement estimait en mars que 68% de la production prévue de batterie lithium-ion en Europe risquait d’être retardée, revue à la baisse ou abandonnée. Principalement concernées dans l'Union européenne : la Hongrie, l’Espagne, l’Italie, ou encore l’Allemagne. L'Allemagne où, depuis, un projet à risque a été confirmé

Aides publiques contre aides publiques

Plusieurs menaces planent sur ces projets. Parmi les risques majeurs : la concurrence féroce au niveau international pour ce secteur d’avenir. Un secteur qui sera d’autant plus incontournable qu’un boulevard s'est ouvert aux véhicules électriques, en Europe notamment. À l’horizon 2035, à quelques exceptions près, dans l’Union européenne il ne sera plus possible de vendre des voitures et d'utilitaires légers neufs roulant à l'essence ou au diesel.

L’Europe des batteries se heurte donc aux largesses de l’Inflation Reduction Act de Joe Biden. Le plan américain prévoit des crédits d’impôts colossaux pour les investissements liés à la transition énergétique. « Cela pourrait couvrir 40% des coûts des sites industriels », détaille Nicolas Meilhan, senior advisor chez EV-Volumes.

La course aux batteries électriques se joue, donc, à coup d’aides d’État. Si Washington a frappé fort, les États-Unis sont loin d’être les seuls à avoir dégainé. L'IRA a été en grande partie pensée pour répondre à la concurrence chinoise, qui a elle aussi été aidée.

Autre exemple récent : le Canada va accorder près de 9 milliards d’euros de subvention à Volkswagen pour l’installation d’une usine de batteries électriques.

Quant à ACC, pour ces différents sites en Europe, le groupe a reçu plus d’1,2 milliard d'euros d'aides publiques, dont 845 millions d'euros d'aides françaises. Paris qui, selon les Échos, soutiendrait le dernier projet, celui d'une gigafactory de batteries nouvelles générations du Taïwanais ProLogium à Dunkerque, à hauteur d'1 milliard à 1,5 milliard d’euros.

Le gouvernement français souhaite par ailleurs conditionner les bonus à l’achat de véhicules électriques à leur empreinte écologique. Une manière de privilégier les véhicules européens, l'empreinte carbone d'un véhicule électrique dépendant entre autres de son lieu de construction.

Ce n’est pas le seul risque pour l’Europe. La crise énergétique liée à la guerre en Ukraine a rendu l’Europe moins attractive. C’est, avec l’IRA, ce qui a fait douter le suédois Northvolt quant à son projet d’usine en Allemagne. En fin de compte, Northvolt passera aux étapes suivantes de son projet, aidé dans sa décision par un soutien financier de Berlin.

L'énergie contribue à peser sur la compétitivité de l'Europe. En décembre, les batteries lithium-ion coûtaient 24% plus cher aux États-Unis qu’en Chine, 34% plus cher en Europe.

Le défi des matières premières

Mais, l’enjeu de souveraineté ne se limite pas aux usines d’assemblage. Sur la partie usine, Laurent Perron du ShiftProject n'identifie « pas de difficultés industrielles et technologiques », c'est « l'approvisionnement de ce que l'on met dedans qu'il faut regarder ». Or, la Chine maîtrise, là encore, largement la chaîne d’approvisionnement des matières premières primordiales pour les batteries.

Pour s'en affranchir, l'UE mise en partie sur l'économie circulaire. D'ici 2027,au moins 90% du cobalt et du nickel des batteries collectées devront être recyclés, 50% du lithium (et jusqu'à 80% en 2031).

Mais avant que cela ne soit une alternative aux matières premières « neuves », il faudra que le marché ait atteint une taille conséquente et que suffisamment de véhicules soient arrivés en bout de course.

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