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Les impôts des milliardaires français sont-ils trop légers?

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Les milliardaires français bénéficient d’un traitement fiscal hyper avantageux. C’est ce que démontre une étude indépendante réalisée par l’Institut des politiques publiques. Une conclusion qui relance le débat sur l’imposition des super riches.

Le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire, décembre 2022.
Le ministre français de l'Économie, Bruno Le Maire, décembre 2022. © AFP/Ludovic Marin
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La bonne nouvelle délivrée par ces travaux, c'est que l’impôt effectif est progressif pour 99,9% des contribuables. Mais les choses se gâtent au sommet de la pyramide des revenus : les 0,1% restant, dont les revenus sont supérieurs à 620 000 euros par an, sont imposés à 46%. Ensuite, plus leur fortune est grande, plus leur imposition décroit en proportion. L’infime fraction des hyper riches, soit les quelque 75 milliardaires qui paient leurs impôts en France, sont imposés à 26% seulement.

Pour parvenir à cette conclusion à l’encontre des idées reçues sur la progressivité de l’impôt français, les chercheurs sont partis d’un postulat qui n’est pas celui des services fiscaux : les milliardaires étant en général des entrepreneurs, les économistes considèrent donc que les bénéfices des sociétés qu'ils contrôlent sont une source de revenu au même titre que le revenu dit fiscal. Ils ont donc compilé impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés sur la base des données fournies par Bercy pour connaitre l'imposition réelle des super riches. L'impôt sur les sociétés étant bien inférieur au taux maximal d'imposition sur le revenu, les milliardaires profitent de fait d'une imposition ultra-légère.

► À lire aussi : Taxer les ultra-riches: «Il est temps d'entamer une vraie réforme des règles fiscales internationales»

Une étude pas réaliste selon Bercy

Le ministère des Finances considère qu’on ne peut pas imposer un revenu par nature non disponible et qu'il est risqué pour la croissance et l'emploi de taxer les bénéfices des entreprises. Les économistes de l’Institut des politiques publiques ont anticipé cette critique et s’interrogent sur les réformes à entreprendre pour corriger cette inégalité face à l’impôt. Leur étude repose sur des données de 2016. Depuis, le cadre fiscal a changé, l’impôt sur les sociétés a fortement baissé, celui sur la fortune mobilière a remplacé l’impôt sur la fortune (ISF) et un forfait est appliqué aux plus riches. C’est donc tout un édifice qui est à revoir pour taxer plus justement les plus fortunés.

Une réforme que la gauche appelle de ses vœux depuis plusieurs mois

Le débat a ressurgi en France avec la réforme des retraites. Le déficit du régime pourrait être financé par des contributions des plus hauts revenus. Il a rebondi avec la proposition d’une taxe sur les 10% des ménages les plus riches pour financer la transition énergétique. Ce débat est une passion française. Mais pas que.

La question a émergé dans de nombreux pays, du nord au sud, au moment où les déficits publics se creusent et où les dépenses augmentent. Le président tunisien par exemple propose une taxe sur les grandes fortunes pour éviter un recours au FMI. En Chine, Xi Jinping en parle depuis deux ans. Aux États-Unis, Joe Biden a fait de cette taxe sur les super riches la pierre angulaire de sa candidature à un second mandat à la Maison Blanche.

La Norvège taxe davantage les plus riches

Le gouvernement de centre gauche a décidé l’an dernier de relever de 1,1% la taxe déjà existante sur les grandes fortunes. Ce pays pourtant n’est pas en difficulté financière. Il croule sous les pétrodollars. Cette décision a entrainé l'exil d’une trentaine de milliardaires en 2022, essentiellement vers la Suisse. Pour mettre fin à ces stratégies d’évitement de l'impôt, le grand écueil de tous les impôts sur la fortune, pourquoi pas envisager une taxe universelle sur les grandes fortunes, à l’instar de la taxe sur les multinationales qui a été adoptée il y a deux ans ? Ce n'est encore qu'une idée qui chemine dans les couloirs de l'OCDE.

Le gouvernement norvégien n'attendra pas, il a décidé de taxer davantage les expatriés pour punir les mauvais joueurs. Sans remettre en cause l'impôt sur la fortune, car le pays compte encore quelques milliers de milliardaires.

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