Aujourd'hui l'économie

L’étonnante résilience de l’économie américaine

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La récession promise aux États-Unis pour 2023 n’aura pas lieu. La croissance est au contraire robuste. Les économistes reconnaissent qu’ils se sont largement trompés et tentent de comprendre ce qui leur a échappé.

Le président de la Réserve fédérale américaine (FED), Jerome Powell, en conférence de presse, le 26 juillet 2023 à Washington.
Le président de la Réserve fédérale américaine (FED), Jerome Powell, en conférence de presse, le 26 juillet 2023 à Washington. © AP/Nathan Howard
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Avec la hausse express des taux américains – ils sont passés de 0 à plus de 5% en un an et demi – le scénario de la récession était en théorie couru d’avance. La hausse des taux est un outil universel pour étouffer l’inflation. L’inconvénient c’est qu’il génère de la récession puisque la hausse du loyer de l’argent refroidit le moteur. C’est sur la base de cette théorie classique et sur l’expérience passée que les économistes prédisaient tous dès 2022 le ralentissement très net de l’économie américaine d'ici à la fin de l’année 2023.

Mais à la surprise générale, la croissance a été robuste au deuxième trimestre avec +2,4%. Grâce à la consommation frénétique des ménages, bien au-delà des attentes. Cette tendance devrait se confirmer au troisième trimestre. Goldman Sachs a revu à la hausse sa prévision : elle dépasse les 4% pour ce troisième trimestre. Les premiers chiffres officiels seront publiés ce 26 octobre.

Comment expliquer cette accélération des dépenses alors que les prix flambent ?

Première explication : la très bonne tenue du marché de l’emploi. Le taux d’activité est très élevé aux États-Unis. Les Américains en profitent pour décrocher des jobs mieux rémunérés, augmentant ainsi leur pouvoir d’achat. Certains ont aussi profité de la hausse des salaires. La consommation a été dopée également par l’épargne accumulée pendant les années de Covid.

Ces réserves insoupçonnées sont difficiles à quantifier et ont souvent été occultées dans les prévisions. Enfin, la hausse des taux a certes ralenti le marché immobilier, mais beaucoup de ménages avaient acquis leur logement quand les taux étaient encore proches de zéro. Ils ont donc conservé un pouvoir d’achat bien supérieur à ce que les économistes avaient anticipé.

Crise énergétique

L’économie américaine a aussi bénéficié de la crise énergétique qui a frappé l’Europe suite à la guerre russe en Ukraine. C’est un effet d’aubaine. De la chance selon l’économiste Paul Krugman. Le malheur de l’Europe, privée du gaz russe, a dopé les exportations américaines de gaz naturel liquéfié à partir de 2022, donnant un coup de fouet durable à l’industrie des hydrocarbures.

Selon le prix Nobel d'économie, les aides gouvernementales largement distribuées en 2021 par Joe Biden pour faire face au ralentissement provoqué par les confinements ont aussi un rôle clé dans le dynamisme de l'économie en renforçant les comptes des ménages.

Les investissements dans la transition énergétique, également soutenus par l'État fédéral, ont aussi profité au tissu industriel. Ce sont ces forces sous-jacentes en place depuis deux ans qui alimentent la très bonne tenue actuelle de l'économie américaine.

Les tensions actuelles au Proche-Orient vont-elles faire dévier cette trajectoire ?

C'est évidemment une menace pour les États-Unis si le conflit s'étend à d'autres pays comme l'Iran. Des facteurs internes aux États-Unis sont aussi susceptibles d'enrayer cette croissance vigoureuse. L’inflation est aujourd'hui à un niveau plus soutenable, 3,7%. Si elle repart sous la pression de la consommation et de la hausse des salaires, la Réserve fédérale relèvera à nouveau ses taux, ce qui pourrait finir par déclencher le ralentissement.

Quant au moteur de la consommation, il est surtout alimenté par les ménages les plus riches, ceux qui ont profité de la hausse de la bourse, qui ont encore un matelas d’épargne confortable. Une autre partie de l’Amérique souffre. Entre autres parce qu'il faut à nouveau rembourser les emprunts étudiants depuis le premier octobre. Difficile aujourd'hui de savoir quelle force sera dominante en cette fin d'année. Des économistes reconnaissent qu'ils doivent revoir leur modèle avant d'être en mesure de faire des prévisions sur cette économie américaine encore en pleine mutation.

À écouter aussiAujourd'hui l'économie - États-Unis : en 2023, les salariés et syndicats américains se réveillent

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