L’Union européenne veut une taxe sur les céréales russes
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La Commission européenne va imposer des tarifs douaniers « prohibitifs » aux produits agricoles russes et biélorusses. Les céréales russes, qualifiées par l'UE de « source de revenus » pour Moscou, sont particulièrement visés.

Cela peut surprendre alors que l’Union européenne, la France en tête, est l’un des plus grands producteurs de céréales au monde : les importations de céréales russes – blé, maïs, orge – ont quasiment doublé en un an. En 2023, 1,5 million de tonnes de céréales russes ont été importées dans l’Union européenne, contre 960 000 tonnes l’année précédente.
Les céréales russes arrivent d’abord des ports du sud de la Russie vers les pays de la Méditerranée. L’Italie est le premier client européen (423 000 tonnes, essentiellement du blé dur), devant la Grèce (237 000 tonnes) et l’Espagne (166 000 tonnes). Quelques milliers de tonnes passent ensuite par la route, via les pays baltes, Lettonie en tête (263 000 tonnes).
« Politique commerciale agressive de la Russie »
Plusieurs facteurs expliquent ces chiffres. D’abord, parce que, contrairement au pétrole, à l’acier ou au diamant visés par les sanctions depuis l’invasion russe de l’Ukraine, les céréales russes entrent librement sur le territoire européen, et ne paient quasiment pas, voire aucuns droits de douane.
Ensuite, parce que les dernières moissons en Russie ont été très bonnes. Les stocks de blé sont pleins et Moscou peut mener une offensive sur les prix. « Il y a une politique commerciale très agressive de la Russie qui force, d'une certaine façon, la main des acheteurs, en proposant des prix toujours plus bas, en dessous des cotations de référence », analyse Philippe Heusèle, porte-parole d’Intercéréales qui représente les professionnels de la filière en France.
« On sait que les intérêts portuaires et céréaliers russes sont très proches du pouvoir et donc on a là la traduction d'une volonté politique du Kremlin de faire des céréales une arme alimentaire pour venir plomber le marché européen d'une certaine manière », ajoute-t-il.
Déstabilisation du marché européen
Si les importations de céréales russes restent limitées en volumes – par rapport aux 272 millions de tonnes produites dans l’Union européenne en 2023 –, la politique de Moscou sur les prix contribue à déstabiliser le marché européen, déjà mis à mal par l’importation des céréales ukrainiennes. C’est cette offre abondante qui explique, en partie, la chute des cours : le blé a atteint son niveau le plus bas depuis trois ans et demi.
La Commission européenne, pressée par plusieurs pays à agir (République tchèque, Pologne, pays baltes) s’est décidée à taxer les céréales russes. La proposition, qui doit encore être entérinée par une majorité des États membres (quinze pays représentant 65% des États membres), prévoit d’imposer des droits de douane à 95 euros par tonne ou à 50% de la valeur des céréales, des huiles ou des produits qui en sont dérivés. La taxe ne concernera que les céréales destinées au marché européen (celles qui ne font que transiter par l’Union européenne ne seront pas taxées au nom du respect de la sécurité alimentaire).
Bruxelles souhaite « assécher » les revenus permettant à Moscou de financer sa guerre en Ukraine et ainsi rétablir une concurrence « plus saine » sur le marché européen. Le signal est aussi politique. À moins de trois mois des élections européennes, et alors que la grogne touche encore certains pays comme la République tchèque ou la Pologne, Bruxelles entend montrer qu’elle se tient aux côtés des céréaliers.
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