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Ukraine: à Kiev, le stade olympique dans la guerre

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Posé en plein cœur de la ville, avec son toit blanc, illuminé la nuit, qui lui donne des allures de soucoupe volante, c’est le plus grand complexe sportif d’Ukraine. Vieux de plus d’un siècle, le stade olympique, NSC Olimpiyskyi de Kiev, a subi de nombreuses transformations, au fil des années. Il peut accueillir aujourd’hui quelque 70 000 spectateurs. Mais depuis le début de l’invasion russe en février 2022, les matches de football ont été suspendus et la gigantesque enceinte sportive n’accueille public pour des raisons de sécurité.

Le stade national olympique de Kiev, en Ukraine, le 10 juin 2012.
Le stade national olympique de Kiev, en Ukraine, le 10 juin 2012. © Andrey Lukatsky / AP
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Aux abords du Complexe national sportif « olympique », les bruits des générateurs ont, depuis quelque temps, remplacé les clameurs et les chants des supporters de football. Devant sa guérite, un gardien ne laisse entrer que de rares employés du site. « Le territoire est fermé au public, il est impossible de pénétrer dans l’enceinte du stade », prévient Viktor Anissimov, directeur général adjoint du complexe olympique NSK, soulignant qu’en raison de la guerre, toutes les installations sportives d’Ukraine étaient soumises à des restrictions. « En dépit des féroces combats qui se déroulaient près de Kiev, on a quand même réussi à organiser quelques rencontres de football à Kiev en 2022», note-t-il, mais depuis 2023, pour des raisons de sécurité, les matches se déroulent dans l’ouest du pays ou à l’étranger et sans spectateurs.

Un stade vide

Base du Dynamo Kiev, qui joue aussi au stade Lobanovski, le complexe olympique accueille également la sélection ukrainienne et les rencontres du Shakhtar Donetsk, depuis que le club a dû quitter la Donbass Arena et sa ville de l’est ukrainien, lorsqu’elle est tombée aux mains des séparatistes pro-russes en 2014.

En cette chaude journée estivale, la grande esplanade qui jouxte le stade olympique est quasi vide. Quelques personnes, sortant de la station de métro Olympiyska, se dirigent vers les immeubles de bureaux qui entourent la place. Andrii, prof de sport de 24 ans, travaille à deux pas de là. Il a assisté à son dernier match dans le stade en 2021, quelques mois avant le début de l’invasion russe. « C’était un match Ukraine-Portugal. Cristiano Ronaldo était venu ! C’était super, il y avait plein de monde, ça chantait », se souvient-il avec émotion, se disant « triste » ne plus avoir la « possibilité de vivre de tels matches ».

À quelques dizaines de mètres du stade, Alexandre, propriétaire depuis 24 ans de la Brasserie Belle vue, a vu passer des supporters du monde entier. L’ambiance du stade en ébullition, qu’il fréquente depuis l’âge de 3 ans, lui manque cruellement : « en 2012, on a reçu beaucoup d’invités. Malheureusement, en temps de guerre, c’est dangereux de réunir trop de personnes dans un même endroit, compte tenu du fait qu’on a un voisin imprévisible ».

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Mecque du sport ukrainien

Pour l’Euro 2012 de football, le complexe olympique a accueilli cinq matches, dont la finale. Pour l’événement, le stade a subi une importante rénovation, qui a coûté près de 430 millions d’euros. Une toiture blanche translucide a été posée sur l’arène, qui a vu sa capacité passer de 83 450 place à 70 050. Dans les années 1970, le stade avait une capacité de plus de 100 000 places, ce qui en faisait l’une des enceintes les plus grandes du monde.

Commencés en décembre 2008 pour s’achever plus de trois ans plus tard, ces travaux d’amélioration du stade en vue de l’Euro, n’ont pas fait que des heureux. Valentin Chtcherbatchev se souvient qu’il a dû déménager à la hâte, avec son chauffeur, le matériel technique du studio d’où il réalisait ses directs et ses émissions. Légende du journalisme sportif ukrainien, il a grandi près du stade et y a commenté d’innombrables rencontres sportives. « Ce stade, c’était un peu une Mecque du sport en Ukraine. Après l’Euro, on a eu un beau stade, moderne, mais beaucoup moins accessible », affirme le septuagénaire dynamique, organisateur de tournois de football dans l’Himalaya et l’Antarctique, qui entraine aussi des militaires blessés au combat.

« Avant la reconstruction, on avait ici, une très bonne salle de sport, une patinoire pour hockey, des courts de tennis et des terrains de volleyball. Ils ont tout enlevé, en promettant de les reconstruire, mais 12 ans plus tard, on attend toujours », lance, dans un éclat de rire, Vladimir Zaloïlo, 71 ans, employé du ministère des Sports. Dans les années 1960, du temps où le stade avait encore des bancs en bois, il a joué dans l’enceinte mythique, en tant que membre de l’équipe nationale junior. L’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 ne fait que repousser l’échéance.

Entretien du stade

En attendant des temps plus cléments, l’enceinte sportive nécessite un entretien constant. Sur quelque 300 à 400 employés avant le début de l’invasion russe à grande échelle, ne travaillent plus qu’une centaine de personnes sur le site, administratifs et agents d’entretiens, selon Viktor Anissimov. « En ces temps de guerre, on doit continuer à entretenir le stade, sa pelouse naturelle, tous les systèmes d'ingénierie, et surveiller la structure qui peut être affectée par les événements, parce que nous avons un toit d’une superficie de 48 000 m², ce qui équivaut à deux cathédrales Saint-Pierre à Rome, ou encore de huit Notre-Dame de Paris », précise le directeur général adjoint du complexe olympique NSK.

Depuis sa construction à cet emplacement, il y a 101 ans, le stade a subi cinq transformations. Il a aussi changé de nom : « Stade rouge Trotski », en 1923, « Stade rouge », « Stade républicain Khrouchtchev », « Stade pan-ukrainien », durant la Seconde Guerre mondiale, puis à nouveau « Stade républicain Khrouchtchev », « Stade central », puis « Stade républicain » jusqu’en 1995.

En 1980, il a accueilli plusieurs rencontres de football des JO de Moscou et en mai 2018, la finale de la Ligue des champions, qui a vu le Real Madrid s’imposer face au Liverpool FC.

Plus qu’une arène sportive, le complexe olympique a aussi servi de cadre aux concerts de stars internationales comme Shakira, Red Hot Chili Peppers ou Madonna. Il accueille en son sein quatre musées, dont l’un consacré aux frères Klitschko, les champions de boxe ukrainiens, dont l’un, Vitaly est aujourd’hui maire de Kiev. Il a aussi servi d’arène à un débat hors du commun entre deux candidats à l’élection présidentielle en 2019, le sortant Petro Porochenko et un jeune comique qui faisait alors ses premiers pas en politique : Volodymyr Zelensky.

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