Les espèces exotiques envahissantes sont des plantes et des animaux devenus nuisibles pour les écosystèmes où ils se sont établis. Nuisibles à la biodiversité, la santé et l’économie. Leur coût a été chiffré : 1 300 milliards de dollars en 50 ans.

Ce sont le plus souvent des passagers clandestins. Le frelon asiatique est arrivé en France dans une cargaison de poteries chinoises, avant de coloniser la quasi-totalité du pays en quelques années, pour le plus grand malheur des abeilles que cette espèce exotique envahissante (EEE) attaque. Le moustique tigre, lui, porteur de maladies tropicales comme la dengue ou le chikungunya, est arrivé en Europe en débarquant dans un port italien au fond d’un pneu.
Il ne s'agit là que de deux des 880 espèces exotiques envahissantes recensées dans le monde. Des espèces animales ou végétales introduites volontairement ou involontairement dans un territoire et dont la diffusion et l'impact s'avère problématique. L'essor des EEE a accompagné celui de la mondialisation. Ces plantes, ces animaux et même ces champignons ont profité de la multiplication des échanges commerciaux et des infrastructures construites par les humains.
Le serpent disjoncteur
C'est le cas, remarquable, des rats noirs et des souris domestiques, adeptes des cargaisons de denrées alimentaires. « Dans certains pays africains ou asiatiques, il y a une augmentation progressive au cours du XXe siècle des routes goudronnées », explique Christophe Diagne, chargé de recherche à l'IRD, l'Institut pour la recherche et le développement, à Montpellier, dans le sud de la France. « Les rongeurs grimpent dans les camions à la recherche de nourriture, puis sont largués de manière le plus souvent involontaire tout au long du trajet, pour établir d’année en année des populations stables qui vont favoriser l’invasion à l’intérieur des terres. »
Face à ces EEE, les îles se révèlent particulièrement vulnérables. Ce fut le cas de l'île de Guam, territoire américain dans l'océan Pacifique envahi au siècle dernier par le serpent brun arboricole, sur l’île de Guam, dans le Pacifique. « Il n’avait pas de prédateur naturel dans cette île et sa population a pu tranquillement se développer, jusqu’à ce qu’elle explose », raconte Christophe Diagne. « Il a alors éradiqué une très grande partie des espèces natives d’oiseaux. Et comme il est dans un environnement nouveau et qu’il ne retrouve pas les arbres habituels dans lesquels il grimpait dans son habitat d’origine, il a commencé à grimper sur les poteaux électriques, provoquant souvent leur chute, avec d’énormes coupures de courant de plusieurs heures à plusieurs jours occasionnées par ces serpents-là. »
Les envahisseurs coûtent cher
Les espèces exotiques envahissantes sont définies selon leur impact sur la biodiversité, mais aussi la santé humaine, l'agriculture ou les infrastructures. Et la facture est salée, selon une étude française de l'IRD, du CNRS et du Museum national d'Histoire naturelle, publiée l'an dernier dans la revue Nature. Entre 1970 et 2017, les EEE ont coûté 1 288 milliards de dollars. Un chiffre dont les auteurs soulignent qu'il est sous-évalué en raison de l'absence de données précises dans certains territoires et pour certaines espèces. Près de 1 300 milliards de dollars en un demi-siècle, ce qui représente une moyenne de 27 milliards par an. Mais pour la seule année 2017, la dernière disponible, la facture atteint plus de 162 milliards, davantage que le PIB de 50 pays africains.
Les maux sont connus : destruction de récoltes ou de câbles électriques, diffusion de parasites ou de maladies, les impacts des EEE sont multiples. « Ce sont des espèces réservoir d’agents pathogènes, précise Christophe Diagne, le premier auteur de l'étude. Lorsqu’elles arrivent dans un environnement où le pathogène n’existait pas, les populations aussi bien animales qu’humaines, qui sont naïves pour cette espèce de pathogène-là, peuvent s’en trouver affectées. »
Cancer vert
À l'inverse, les EEE peuvent dire merci aux humains, le plus souvent responsables directement ou indirectement de leur prolifération. À Tahiti, on a cru bien faire en plantant dans un jardin un bel arbre venu d'Amérique latine, Miconia calvescens. Il a fait de beaux dégâts. Les Tahitiens l’ont appelé « Cancer vert ». « Plus de la moitié de l’île a été envahie par cet arbre-là », raconte Christophe Diagne. « Et comme c’est un grand arbre qui recouvre les autres plantes présentes autour de lui, il a empêché la lumière d’arriver sur ces plantes. On est parti d’une simple volonté d’introduire une très belle plante ornementale, pour aboutir à une conséquence dramatique puisque certaines espèces locales de Tahiti n’existent simplement plus. »
Partout la biodiversité s’effondre, et il serait plus rentable de lutter contre les invasions que contre leurs effets. Christophe Diagne plaide aussi pour des législations plus contraignantes alors que le mal empire chaque année. On aurait d’ailleurs pu parler de la première espèce envahissante au monde. L’espèce humaine, qui a colonisé la planète pour la détruire à petit feu.
« Les lapins, ça b... vraiment comme des lapins ? »
C’est en tout cas ce que les Australiens ont pu observer au XIXe siècle, avec l’explosion de la population de lapins importés d’Europe, grâce au doux climat de l’Australie qui permet de se reproduire toute l’année. Les dégâts sont considérables pour l’agriculture et l’environnement. Les Australiens décident alors d’introduire des renards pour les chasser. Mais ils s’attaquent aux marsupiaux, koalas ou kangourous. Plus tard, au XXe siècle, on introduira une maladie, la myxomatose. Elle est aujourd’hui présente sur presque toute la planète.

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