C'est dans ta nature, la chronique de la biodiversité, est en télétravail : un couple de pigeons ramiers a niché sur la terrasse parisienne de Florent Guignard, qui nous raconte cet heureux événement.

C'est ma nièce, Clara, qui a découvert la surprise, en filmant les plantes de la terrasse : deux petits œufs blancs au fond d'un nid fait de brindilles, caché dans les lauriers-roses. Un couple de pigeon ramiers a niché.
Deux espèces principales de pigeons coexistent à Paris. Les pigeons bisets, des pigeons domestiqués, des pigeons voyageurs à l’origine ; on en compte entre 10 000 et 20 000 couples. Des « rats volants », selon les Parisiens. Et puis il y a donc les ramiers, plus beaux et plus gros, presque aussi gros qu’un poulet, gris avec une collerette blanche, le bord des ailes blanc, et le bec jaune. Paris compte environ 3 000 couples de ramiers.
Des couples fidèles
Le premier ramier dans la capitale française a été observé en 1840, mais beaucoup plus tard à Lyon, en 1990. « Le pigeon ramier s’était établi dans des villes entourées de maraîchages, alors qu’il ne s’était pas installé dans les villes entourées de forêts, précise Frédéric Mahler, ornithologue à la Ligue pour la protection des oiseaux. Dans les villes où il y a des maraîchages, le pigeon ramier a de quoi se nourrir, donc il se reproduit abondamment et on retrouve plein de pigeons ramiers. Il n’y a alors plus de place en site naturel et il est donc "contraint" de découvrir la ville. »
Les pigeons forment des couples modèles : fidèles jusqu'à la mort, ils se relaient pour couver les œufs, pendant une douzaine de jours. Et puis un matin, c'était le 1er juillet, un petit pigeon est né, caché sous son père ou sa mère, qui lui a donné son premier repas. Le deuxième œuf, lui n'éclora jamais, sans doute pas fécondé.
Nourri au lait
Les premiers jours, le pigeonneau est nourri avec du lait de jabot. Oui, de rares oiseaux allaitent, comme les pigeons ou les flamants roses. Et le mâle, comme la femelle, produit du lait. La becquée est énergique, l'adulte régurgite, ouvre son bec et le poussin va se nourrir au fond de son gosier. « Les pigeons ramiers, nombreux dans Paris, ne se nourrissent pas forcément dans Paris. La plupart se nourrissent à dix ou vingt kilomètres de Paris, dans les champs, explique Frédéric Mahler. Leur jabot, l’équivalent de leur estomac, sécrète alors un liquide qui ressemble à du lait, extrêmement riche. »
Un régime très nourrissant, seulement des protéines et des lipides : en 48 heures, le bébé double son poids. Rose, parce qu'on l'a appelé Rose, né-e au milieu des lauriers-roses, et dont le ventre deviendra bientôt rose comme tous les pigeons ramiers, grandit à une vitesse impressionnante. Les changements physiques et les progrès sont quotidiens. On peut les voir grâce à la petite caméra qu'on a installée. « C’est un peu le même principe que le lait de mammifère, résume Frédéric Mahler. Le petit humain aussi change vite quand il boit du lait ! »
Le premier jour du reste de sa vie
Le duvet jaune laisse peu à peu place aux premières plumes grises. Les parents quittent le nid, mais ne sont jamais loin : devenus territoriaux, ils chassent les autres pigeons qui s'approchent. Ils reviennent au nid pour la becquée, composée de graines régurgitées, deux à trois par jour. Le juvénile est alors tout excité, pousse de petits cris et ses petites ailes frétillent... À deux semaines, Rose ressemble de plus en plus à un pigeon, regarde du haut des dix étages le monde qui l'attend, commence à faire les cent pas et s'entraîne à battre des ailes, chaque jour un peu plus puissantes.
Et puis un matin... il est 7h17. Notre petit pigeon agite ses ailes et grimpe dans les branches du laurier-rose, sous les encouragements de ses parents. C'est le grand jour, au 22e jour. Le grand saut vers sa nouvelle vie. Rose a pris son envol. L'instant est émouvant. Et depuis le nid parait bien vide. Il n'y reste au fond qu'un petit œuf blanc.
LA QUESTION
Eh oh ! On ne parle pas comme ça de Rose ! Certes, les pigeons sont moins intelligents que les corneilles, l'autre grand oiseau qui peuple Paris. Mais les pigeons, souvent méprisés, ont un cerveau ! La densité de leurs cellules nerveuses est six fois plus importante que chez les humains. Ils sont plus rapides que nous pour accomplir deux tâches en même temps. Le pigeon voyage sur des centaines de kilomètres, grâce à sa boussole interne et son odorat. Plus l'air qu'il traverse est pollué, plus il accélère, jusqu'à 70 kilomètres/heure. Un pigeon revient souvent nicher là où il est né, comme les tortues. Il reconnait aussi le visage d'un humain qui l'avait maltraité. Il ne faut pas prendre un pigeon pour un pigeon !
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