Le film Mission Régénération, sorti mercredi 9 novembre en France à l’occasion de la COP27, milite pour la régénération et la restauration des terres agricoles : en absorbant davantage de CO2, les sols pourraient inverser la courbe du réchauffement climatique.

« D’habitude, les trois quarts des documentaires qu’on voit sur l’environnement, c’est : ‘‘On va tous crever en fait’’. Et là, non ! Là, il y a des solutions et ça fait du bien : de l’espoir ! » Le réalisateur Édouard Bergeon, fils d’agriculteur (il en a fait un film, Au nom de la terre), est enthousiaste pour défendre le documentaire auquel il a prêté sa voix pour la version française ; Mission Régénération, des Américains Joshua Tickell et Rebecca Harrell Tickell, est un film positif et militant, en faveur de la préservation des sols.
« La solution est sous nos pieds »,proclame Mission Régénération. La terre pour sauver la planète Terre. C’est la thèse du film, qui nous emmène aux États-Unis, en Haïti, en France ou en Chine : la restauration des sols agricoles, dégradés partout dans le monde, permettrait de faire baisser la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et ainsi « inverser de manière durable et raisonnable la courbe du changement climatique ». Comment ? Grâce à l’agroforesterie et la régénération naturelle des sols. Selon l’ONU, en restaurant 5 milliards d’hectares (35% de la superficie terrestre), 17 gigatonnes de CO2 supplémentaires seraient stockées dans la terre d’ici 2050.
Quand la terre n’est que poussière
Puisque les sols sont des puits naturels de carbone, qui piègent le CO2 responsable du réchauffement climatique, il faut les chérir, et les guérir. Et d’abord mettre fin à une pratique ancestrale en agriculture : le labour. Parce qu’il libère du CO2. Une animation satellite de la Nasa, présentée dans Mission Régénération, montre que les pics de CO2 dans l’atmosphère coïncident avec les périodes de labours. Ensuite, parce que le travail de la terre l’enterre, l’emmène vers une petite mort. « En France, une terre est nue 135 jours par an, explique Édouard Bergeon. Nue, ça veut dire sans couvert végétal dessus. Je vous mets, vous, 135 jours dehors tout nu, sous le soleil ou sous la pluie, je pense que vous mourrez. La terre, c’est pareil, donc il n’y a pas besoin de labourer, non ! »
Il faut donc laisser le couvert végétal. Arrêter le labour, les produits chimiques qui tuent les microbes nécessaires à l’absorption du CO2, comme le montre une scène marquante du film, avec un agriculteur américain, repenti, adepte désormais de la régénération des sols. « Regardez la terre de mon voisin, désherbée chimiquement : c’est un désert écologique. Regardez nos champs : il y a une grande diversité végétale. Ici, il y a de la terre. Là, il y a de la poussière. »
« Une des solutions »
Laisser les sols recouverts de plantes, c’est faire confiance à la nature, où les symbioses entre êtres vivants sont multiples. « Avec une plante qui va aider une autre, avec la vie sous terre, les vers de terre, les champignons, pour apporter l’azote, le carbone et les nutriments qu’il faut, et puis les insectes en surface… »
Réduire les émissions de CO2 ne suffira pas à stopper le réchauffement de la planète. Il faut donc les stocker dans le sol. « Si on couvrait tous les sols, on arriverait à inverser la courbe du changement climatique, assure Édouard Bergeon. Mais vous le savez très bien, c’est une des solutions parmi tant d’autres. Enseigner l’agriculture régénératrice, l’agroécologie, on ne change pas ça comme ça ! » C’est une question de temps et de choix « politique », conclut le film Mission Régénération, sorti au cinéma en pleine COP27, comme un message aux négociateurs de Charm-el-Cheikh.
LA QUESTION DE LA SEMAINE
Sous nos pieds, oui, il y a de la vie ! Dans une poignée de terre, saine, il y a plus d’êtres vivants que d’humains sur la planète. Des milliards de champignons, de microbes… et des vers de terre essentiels pour l’accès des plantes à l’eau et aux nutriments. Près de 10 000 espèces de vers de terre peuplent la Terre. Ils peuvent représenter jusqu’à 80% de la biomasse animale de certains sols en climat tempéré. Beaucoup moins quand ces sols sont piétinés. La biomasse, pour faire simple, c’est le poids total du vivant sur la planète. Et ce qui pèse le plus, ce sont les végétaux : plus de 80% de la biomasse. Les animaux, c’est moins de 0,5%. Et presque tout à la fin, saluons la jolie performance d’Homo sapiens : 0,01% de la biomasse. C’est peu, c’est vrai, mais suffisant pour détruire les 99% restant.
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