Une solution lumineuse contre la pollution lumineuse
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Les lumières de la ville perturbent et agressent la biodiversité. Des millions d'insectes, d'oiseaux et de mammifères meurent chaque année de la pollution lumineuse. Mais trois amis de la région parisienne ont mis au point un éclairage public doux pour la nature.

Des lampadaires à perte de rue... Non, c’est pas Versailles ici, mais Montmorency, au nord de Paris, où on a retrouvé, sous un lampadaire et une décoration de Noël, les créateurs de la société Linné Paysage, qui promet, selon son slogan, d'« éclairer le monde d'une nouvelle lumière ». Ils ont mis au point une solution contre la pollution lumineuse.
« On a un lampadaire, un arbre, un lampadaire, un arbre... parce qu'on est dans une rue. Mais on ne pense pas que ce petit arbre, là, est dérangé par la lumière », explique Louis Gerin, styliste modéliste, aux côtés de Grégory Lamaud, directeur artistique, et Zarko Stojanovic, ancien candidat de téléréalité mais surtout botaniste et paysagiste. Il a eu, un jour, une idée lumineuse contre la pollution lumineuse, les lumières de la ville qui agressent la biodiversité.
Le bleu, voilà l'ennemi
« Là, on est face à un lampadaire en lumière LED, précise Zarko Stojanovic. Il y a du bleu. Mais le bleu, pour tous les êtres vivants, nous y compris, joue sur les cycles hormonaux. Pour les insectes en particulier, il s'agit de longueurs d'ondes beaucoup plus visibles que les autres. » Les insectes photophiles, attirés par la lumière, viennent se cogner contre les lampes artificielles et en meurent.
Une étude scientifique réalisée en été en Allemagne a comptabilisé au pied d’un lampadaire 150 insectes tués chaque nuit. On a aussi compté d'autres cadavres au pied d’un gratte-ciel éclairé la nuit, au Canada : près de 3000 oiseaux morts ont été retrouvés en un an. La pollution lumineuse perturbe aussi la migration des oiseaux. Insectes, oiseaux, mammifères, poissons, personne dans la nature n’est épargné. La pollution lumineuse dérange le sommeil, la reproduction, l’alimentation…
Des plantes qui s'épuisent
Les plantes aussi en souffrent, elles qui font de la photosynthèse même la nuit. « Une plante éclairée la nuit ne repère pas que c'est la nuit. Donc elle continue sa vie, elle continue sa photosynthèse et produit donc un excédent de sucre, raconte Louis Gerin. Avec la lumière, il y a plein d'insectes. Et comme c'est plus sucré, hop, ils viennent la voir ! Et comme elle ne peut pas dormir la nuit, elle est encore plus fatiguée, elle s'épuise et se retrouve plus vulnérable face aux parasites et aux maladies. » Les trois amis, intarissables, ont donc mis au point un lampadaire sans lumière bleue, la plus visible et la plus nuisible.
Nous voici à présent au pied du Linné, c’est son nom, en hommage au naturaliste suédois Carl Von Linné : un mat de huit mètres de haut se dresse dans un coin du jardin de leur pavillon, et au sommet la « Greenlight » mise au point par les trois associés : une lumière écologique, sans ondes bleues. « Une lumière chaude », une lumière douce pour la biodiversité, comme a pu le constater Zarko Stojanovic un soir d'été : « Tu vois des petits papillons voler au-dessus du gazon de façon très nonchalante et passer devant la lumière en faisant leur petite vie. Ils ne sont pas là se jeter sur la lumière ! »
Des nuits plus naturelles
Et puisque la lumière est quasi neutre, à 90 %, le Linné se veut un outil idéal pour la végétalisation des villes. Les plantes peuvent y grimpent sans encombre : toutes les volubiles, chèvrefeuille, jasmin ou glycine, dont les racines peu profondes ne défoncent pas les trottoirs et qu'on n'a pas besoin d'élaguer, à la différence des arbres.
Soudain, l'un des chats de la maison se met à miauler. « Bonjour le chat ! C'est parce qu'il ne voit pas la lumière, il pense qu'on est dans le noir ! », s'amuse Louis Gerin, enthousiaste pour faire la réclame de ce « candélarbre » au pied duquel un faux jasmin étoilé a été planté, et qui commence à s'étendre sur les branches du Linné : « Imaginez là une glycine de huit mètres de haut, une boule de fleurs géante ! En trois ans, c'est possible, ça parfume la ville, c'est beau et c'est joli ! » On peut aussi compléter le Linné par du mobilier urbain, un banc, des attaches pour vélo, des brumisateurs ou des prises USB. « C'est la smart-city », la ville intelligente, en bonne intelligence avec la biodiversité. Les nuits seront plus douces et plus naturelles.
Certains animaux, en tout cas, ne connaissent pas la crise énergétique… Ils ont la faculté de produire leur propre lumière : c’est la bioluminescence, rendue possible par la rencontre d’une enzyme avec un composé chimique, la luciférine. Il y a bien sûr le ver luisant, qui n'est pas un ver mais un coléoptère. Mais c’est au fond des océans, où il fait toujours noir, qu’on croise le plus d’animaux lumineux – près de 80 % des espèces. Il y a les poissons-pêcheurs qui produisent un leurre lumineux pour attirer leurs proies. La lumière pour chasser ou pour attirer les femelles : le sagre porte-feu, qui porte bien son nom, le plus petit requin au monde, dispose d’organes lumineux tout autour de ses organes génitaux.
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