Six tortues marines, cet été, ont choisi des plages méditerranéennes du sud de la France pour pondre leurs œufs, un phénomène encore exceptionnel. Il y a trois ans, « C'est dans ta nature » nous racontait déjà la naissance de tortues sur la plage de Fréjus dans le Var. (Rediffusion du 6 septembre 2020)

C’est un promeneur matinal qui l’avait repérée, mi-juillet : une tortue de mer en train de creuser un nid dans le sable de la plage du centre-ville de Fréjus, dans le Var, sur la Côte d’Azur. Elle avait pondu ses œufs, à une vingtaine de centimètres de profondeur, à quelques mètres du bord de l’eau, en haut d’une légère pente, avant de les recouvrir de sable, et de retourner vers la mer.
L’oviposition – la ponte – est le seul moment où les tortues marines mettent les nageoires sur terre, et il s'agit de sable en l’occurrence. Depuis, le nid a été couvé du regard par un réseau de bénévoles, entouré de barrières, pour éviter qu’un chien ne déterre les œufs ou qu’un estivant n’y plante son parasol.
Et puis, 46 jours plus tard, le miracle a eu lieu. Pendant trois jours, du 26 au 29 août, une soixantaine de bébés tortues sont nés. « C’est assez étonnant quand elles sortent du sable, raconte Sidonie Catteau, en charge du projet tortues au sein de l’association Marineland, et référente locale du Réseau tortues marines de Méditerranée française. La vraie émergence, quand une vingtaine de petites tortues, ensemble, percent le sable et se mettent à courir vers la mer, c’est juste incroyable ! Elles sont toutes petites, elles pèsent une quinzaine de grammes à peine. »
Drôle d’endroit pour une naissance
Leur mère a fait un choix inattendu : une plage en centre-ville, plutôt bruyante, avec ses bars, ses restaurants, sa pollution lumineuse. Ce qui a un peu perturbé les tortues, puisque les bébés, pour rejoindre l’eau, se repèrent notamment grâce au reflet de la Lune sur la mer. Il a alors fallu guider les tortues désorientées. « Elles prenaient parfois la mauvaise direction, elles filaient droit vers le cœur de Fréjus, alors que la mer est de l’autre côté, poursuit Sidonie Catteau. Pour contrer les lumières de la ville, on s’est mis près de la mer et on a créé une source de lumière assez rasante. Et c’est assez étonnant, la tortue s’arrête, fait demi-tour et revient dans notre direction, avant d’aller dans la mer. »
Pendant trois jours et trois nuits, bénévoles, militants et scientifiques se sont ainsi relayés au chevet de cette maternité inattendue, sous le regard des estivants. « Tous les vacanciers et les habitants de Fréjus se sont appropriés cette histoire juste dingue, qui nous a tous émerveillés, poursuit Sidonie Catteau. On voit que tous ensemble, on est concernés et alliés vers un même objectif : la conservation des espèces. » Car les nouveau-nés fréjusiens sont des tortues caouannes – l’une des sept espèces de tortues marines dans le monde – menacées par la pollution, les plastiques, les filets de pêche.
Le réchauffement climatique en question
En Méditerranée, la tortue caouanne, présente dans tous les océans, pond en Grèce, en Libye ou en Tunisie. Mais en France, c’est tout simplement exceptionnel. Un signe, un de plus, du changement climatique, les plages françaises devenant suffisamment chaudes pour attirer les tortues marines ? Il est encore trop tôt pour le dire, les exemples étant encore trop rares. Sidonie Catteau veut d’ailleurs rester prudente : « Aujourd’hui, on n’a pas assez d’éléments de réponse pour pouvoir dire que c’est lié au réchauffement climatique. Il y a des sites de pontes qui disparaissent, d’autres qui apparaissent. »
La chaleur, il est vrai, est un élément déterminant pour la naissance des tortues. La température idéale est comprise entre 28°C et 32°C.
À un moment précis de l’incubation, la température du sable détermine le sexe des futurs bébés, les mâles « préférant » les moindres chaleurs. C’est là que le réchauffement climatique pourrait avoir un impact négatif, en provoquant davantage de naissances de femelles et entraînant ainsi un déséquilibre démographique.
En France, depuis le début des années 2000, seuls quelques nids ont été recensés en Corse, à Saint-Tropez, et il y a quatre ans à Saint-Aygulf, à quelques kilomètres de sable de Fréjus. La plage de Saint-Aygulf accueille d’ailleurs un second nid sur le littoral varois cette année, lui aussi surveillé de près. Une plage plus sauvage, éloignée des lumières de la ville – c’est une plage naturiste. Et puisque les tortues retournent pondre là où elles sont nées, en tout cas dans la même région, les bébés que Sidonie Catteau a vus reviendront – qui sait ? – pondre à leur tour sous le sable de Fréjus…
« J’oublie tout, je ne retiens rien... Ai-je une mémoire de poisson rouge ? »
C’est une vieille légende urbaine : le poisson rouge ne se souviendrait de rien au-delà de quelques secondes, le temps de faire un tour de bocal, échappant ainsi à la conscience d’une vie absurde et confinée... Eh bien non ! Le carassin doré, l’animal de compagnie le plus vendu dans le monde chaque année, 500 millions à peu près, a de la mémoire, notamment quand il s’agit de sa nourriture, comme l’ont montré plusieurs études ces dernières années. Une mémoire mesurée jusqu’à un an. Ce qui en fait, des tours de bocal... Alors, réhabilitons la mémoire des poissons rouges ! Même si, à choisir, mieux vaut une mémoire d’éléphant.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne