Chronique des matières premières

Cacao: des exportateurs ivoiriens à la peine

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En Côte d'Ivoire, des exportateurs locaux se plaignent de ne pas trouver assez de fèves à acheter auprès des producteurs. Et craignent de ne pas pouvoir honorer leur contrat.

Selon la Banque mondiale, en Côte d'Ivoire, « on estime que 54,9 % des producteurs de cacao ivoiriens et leurs familles vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté ».
Selon la Banque mondiale, en Côte d'Ivoire, « on estime que 54,9 % des producteurs de cacao ivoiriens et leurs familles vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté ». © Jan Sochor / Getty Images
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Les exportateurs ivoiriens cherchent encore à acquérir 120 à 150 000 tonnes de cacao pour pouvoir honorer les engagements qu'ils ont pris auprès de leurs clients. Mais impossible, en ce moment, de trouver des fèves, assure l'un d'eux, avant d'ajouter : « J'en connais qui n'ont même pas acheté un kilo depuis plusieurs semaines ».

Ce manque de fèves est-il artificiel et entretenu par des intermédiaires qui stockent, voyant les prix grimper sur le marché international ? C'est une des possibilités, assure un observateur de la filière, qui confirme que les arrivées au port ont étonnamment chuté depuis deux à trois semaines.

Un marché plus tendu que d'ordinaire

Certains exportateurs pensent que l'explication est à chercher du côté du Conseil Café Cacao, qui aurait « peut-être un peu trop vendu sa production », dit l'un d'eux, alors que la récolte, certes abondante, est en deçà des prévisions. Chaque année, le CCC estime la production avant de la vendre aux exportateurs internationaux et locaux chargés de la commercialiser. Mais le CCC se garde toujours une marge de manœuvre pour pallier tout défaut de récolte. Il suffit que cette marge de manœuvre baisse pour « qu'il n'y ait plus de mou sur le marché », explique un négociant, et que les fèves deviennent moins accessibles pour les opérateurs qui ont moins de réseau et moins de trésorerie que les multinationales.

Une explication que l'organe de régulation ne cautionne pas. Le CCC assure ne pas avoir survendu sa récolte : « Chacun doit donc pouvoir terminer la campagne dans de bonnes conditions », explique Yves Brahima Koné, le directeur général.

Moins de fèves ordinaires, plus de fèves certifiées

Autre constat des exportateurs ivoiriens : les fèves ordinaires sont devenues plus rares que les fèves certifiées vendues à un prix un peu plus élevé. Des producteurs ont manifestement choisi de faire transiter leur cacao par des coopératives labellisées pour en tirer un meilleur prix. Or, le cacao certifié est acheté essentiellement par les multinationales. Le volume de faux cacao labellisé qui est commercialisé est impossible à quantifier, mais le phénomène s'accentue lorsque le cacao se fait plus rare, assure un expert, et participe ainsi au manque de fèves ordinaires sur le territoire.

La crainte d'un défaut de livraison ou de qualité

Le Conseil Café Cacao se veut rassurant et rappelle que les exportateurs ont encore jusqu'au 31 mars, fin de la récolte principale, pour faire leurs achats. « Et si d'ici là, ils n'ont pas rempli leur contrat, nous avons des solutions », assure le directeur général. L'organe de régulation a en effet plusieurs leviers : il peut notamment repousser la date à laquelle les exportateurs doivent avoir honoré leur contrat et donc payé leur taxe à l'État. Il peut aussi demander aux usines des plus importants broyeurs de limiter leur stock de fèves pour laisser plus de cacao en circulation à ceux qui ont du mal à s'approvisionner.

Des aménagements qui n'empêcheront pas l'exportateur d'être pénalisé par son client pour une livraison tardive ou une livraison de fèves de moindre qualité. « Qui va payer pour cette décote ? », s'interroge un opérateur local.

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