Chronique des matières premières

L'Égypte repense sa stratégie d'achat de blé sur le marché mondial

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L'Égypte a confié ces dernières semaines les achats de blé à Mostakbal Misr, une structure sous tutelle militaire, créée en 2022. Un changement de stratégie important pour le pays qui fait partie des grands acheteurs mondiaux de blé.

Un travailleur égyptien déplace du blé dans un moulin à farine au Caire, en Égypte. (Image d'illustration)
Un travailleur égyptien déplace du blé dans un moulin à farine au Caire, en Égypte. (Image d'illustration) ASSOCIATED PRESS - Nasser Nasser
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Ce qui se passe en Égypte ne laisse pas les opérateurs indifférents, car le pays est un acheteur majeur, souvent dans le top 4 des importateurs mondiaux. Son comportement sur le marché peut directement ou indirectement influencer la géographie du commerce du blé. 

Les nouvelles modalités d'approvisionnement, mises en place ces dernières semaines, ne laissent pour l'instant pas penser que les volumes achetés vont changer. Il n'est pas exclu, en revanche, que le poids de chaque origine évolue, qu'elle soit russe, ukrainienne ou française, surtout si les accords bilatéraux se multiplient. Jusque-là, le Gasc, l'agence publique qui était aux manettes, achetait via des appels d'offres consultables sur internet. « Le risque de voir l'Égypte pratiquer plus de négociation de gré à gré, est d'avoir à terme un marché égyptien bien moins transparent », relève Gautier Le Molgat, PDG d'Argus Media France. 

Quid des délais de paiement des achats de blé ?

La nouvelle structure, sous tutelle des militaires, proposera-t-elle de nouvelles conditions de paiement aux fournisseurs de blé ? L'expert ne voit pas d'amélioration se profiler sur ce point-là, pour l'heure. Cela reste un « vrai sujet » pour l'Égypte : en raison de ses difficultés financières, les autorités payent en effet leurs commandes avec des délais très longs, parfois à 270 jours, ce qui veut dire un gros risque financier à porter pour les exportateurs. 

Cette reconfiguration des modalités d'achat de blé s'accompagne plus largement d'une volonté du pays de sécuriser ses approvisionnements. Le pouvoir égyptien évolue dans un voisinage fragile, rappelle  Sebastien Abis, chercheur associé à l’Iris, enseignant et auteur du livre La Géopolitique du blé chez Armand Colin, et a vu ses revenus liés au canal de Suez chuter. Des raisons qui peuvent expliquer le choix du pays de muscler les capacités de production nationales et de minimiser les achats sur le marché mondial. Mais ces derniers restent structurellement nécessaires, rappelle l'expert. 

Sécuriser les importations par tous les moyens

D'où la volonté affichée par les autorités de planifier au maximum leurs importations comme elles ont tenté de le faire au mois d'aout avec un appel d'offres pour de grandes quantités – 3,8 millions tonnes –, livrables à six mois et non pas à trois mois comme cela se fait généralement.

D'où peut-être aussi la décision du Caire de « militariser » davantage le commerce du blé, et de privilégier des échanges directs avec la Russie, le premier exportateur mondial. 

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