Chronique des matières premières

La flambée des cours du tungstène pèse sur l'industrie du forage

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Les contrôles chinois sur les exportations de tungstène depuis février ont fait grimper les prix. Or ce métal est utilisé pour sa dureté, sa résistance à l'abrasion qui sont des qualités précieuses pour l’industrie. Parmi les secteurs touchés par cette flambée des prix, il y a celui du pétrole aux États-Unis, et plus précisément les entreprises de forage pétrolier, celles qui mettent en œuvre indirectement la doctrine de Donald Trump « Drill baby drill ».

Le tungstène est un métal solide et très résistant. (Image d'illustration)
Le tungstène est un métal solide et très résistant. (Image d'illustration) © deltametal.fr
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Les exportations de Chine ne sont pas interdites, mais elles se font au ralenti. Résultat, le prix du tungstène a presque doublé entre le 4 février, date des restrictions imposées par Pékin et aujourd'hui. Cette hausse se répercute directement sur le coût de production des outils de forage de haute qualité, et notamment ceux en carbure de tungstène.

Selon la taille des forêts utilisées, il faut compter entre 3 000 et 25 000 dollars de plus, selon l'agence Reuters. Les entreprises qui produisent ces outils ont de quoi s'inquiéter pour leur clientèle. Certaines comme R.S.Rock Drilling Toolsse sont d'ailleurs lancées dans des opérations de communication pour convaincre que la qualité, même plus chère, restait un bon investissement. Cette hausse réduit un peu plus les marges d’un secteur soumis aussi à l’augmentation des prix de l’acier et pourrait compliquer un peu plus les ambitions pétrolières de la Maison Blanche.

L'industrie mondiale du forage n'est pas la seule à être affectée : les produits semi-finis de tungstène alimentent tous les procédés industriels, précise l'Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi). La demande en tungstène pour les secteurs de l’énergie et de la défense va être exponentielle d'ici à 7 ans (75% et plus) selon l'organisme qui précise que l’augmentation concerne aussi le secteur de la construction, des produits de grande consommation et le secteur médical.

Quelle alternative pour les États-Unis ?

Les États-Unis n'ont pas vraiment d'alternative pour s'approvisionner, car la Chine contrôle près de 80% de la production minière de tungstène et plus de 80 % des opérations de raffinage. En 2024, plus d’un quart de l’approvisionnement américain provenait de Chine, selon les services géologiques américains (USGS).

Troisième importateur mondial de tungstène, les États-Unis ne produisent pas de minerai de tungstène sur leur sol. Ils misent sur le recyclage, et la transformation locale, comme l'illustre la subvention accordée à une société texane, Melt Technologies, pour soutenir l'installation pilote de production de matériaux en carbure de tungstène. 

Suite au renforcement des liens commerciaux entre Washington et Kigali, les États-Unis viennent aussi de recevoir ce mois d'octobre leur première cargaison de concentré de tungstène rwandais issu de la mine de Nyakabingo exploitée par Trinity Metals. Le Rwanda produit moins de 2% du tungstène mondial, mais dans la crise actuelle, chaque tonne commercialisée, hors du circuit chinois, devient précieuse.

L’Europe mieux lotie ?

À la différence des États-Unis, l’Europe produit du minerai en Autriche, au Portugal et en Espagne, mais elle ne maîtrise pas suffisamment les étapes de raffinage et de traitement, ce qui l'oblige à importer 80% du tungstène raffiné dont elle a besoin. 

Les restrictions à l’exportation imposées par la Chine ont eu un impact sur les importations nettes européennes : elles ont baissé de 60% sur les oxydes sur le premier semestre 2025 par rapport à 2024, de 45% sur les carbures de tungstène et de 20% sur le ferrotungstène, selon des données d'Eurostat. 

Tout l'enjeu pour l'Europe est de recycler plus. Sa marge de progrès est encore grande, relève l'Ofremi, à condition qu'elle arrive à freiner l'appétit de la Chine qui a intensifié ses importations de concentrés et de déchets métalliques pour faire tourner son industrie manufacturière et pour capter des parts de marché de la fabrication des produits semi-finis. 70% des produits en fin de vie ne sont pas recyclés – par exemple, les pièces d’usure et de coupe intégrés aux outils industriels –, « pourtant le tungstène se recycle très bien et l’Europe détient des capacités performantes » relève l'Ofremi.

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