Bras de fer autour de la vanille malgache
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Depuis le début de la nouvelle campagne mi-novembre, Madagascar a exporté presque dix fois moins de vanille que l'année dernière à la même période. La Grande Île ne manque pas de gousse, ce sont les acheteurs qui font défaut.

Chez les producteurs, la vanille s'accumule, tout comme chez les intermédiaires, appelés aussi collecteurs. Une situation qui s'explique par des exportations qui tournent au ralenti : 150 tonnes ont été exportées contre plus de 1 000 l'année dernière. Du jamais-vu à ce stade de la campagne. « C'est le service minimum », résume un producteur.
Si la Grande Ile peine à vendre sa vanille, c'est que les acheteurs sont réticents à payer le prix fixé par les autorités : 250 dollars le kilo. Un prix beaucoup plus élevé que celui pratiqué par d'autres pays producteurs, un prix censé permettre une juste rémunération à tous les étages de la chaîne de valeur.
Des prix officiels peu respectés
À Madagascar, ce prix officiel est en vigueur depuis déjà deux campagnes, mais faute de contrôle suffisant, plus de la moitié des gousses, 80% selon certaines sources, auraient été vendues à un prix plus bas, assure un exportateur. Un autre acteur de la filière confirme des prix pratiqués autour de 180 dollars le kilo, via des tours de passe-passe financiers. Les flux n'ont donc pas été affectés jusque-là par la mise en place des nouvelles règles puisqu'elles ont été largement contournées.
Mais cet été, exportateurs et importateurs ont signé un engagement à respecter la législation. En clair, les montages qui ont donné lieu à des rétrocessions ne sont plus acceptés, sur le papier. Les autorités ont aussi décidé d'être plus regardantes. Résultat : les commandes ont chuté, notamment de la part des Américains qui achètent 70% de la vanille malgache.
Les exportateurs guettent les stocks des importateurs
Chaque partie semble jouer la montre, espérant voir l'autre céder. « Les clients puisent dans leur stock et nous mettent une pression folle », explique un exportateur. En face, le gouvernement ne fléchit pas, même si la situation devient de plus en plus difficile à tenir face à une inflation galopante. Les stocks des acheteurs devraient fondre d'ici le mois de mars, un argument pour ne pas céder, explique un expert local qui espère que les importateurs repasseront bientôt aux achats. Réuni hier, le Conseil national de la vanille préconise l'envoi d'une mission aux États-Unis pour lever les malentendus.
Un blocage trop long pourrait détourner certains importateurs vers la vanille ougandaise, dont le profil aromatique se rapproche de la gousse malgache. Mais aussi et surtout faire la part belle à la vanille artificielle, qui représente déjà 99% de la vanille consommée dans le monde.
Le ministère malgache de l’Industrialisation du commerce et de la consommation, réfute l’existence d’un « bras de fer » et rappelle que le prix minimum de 250 USD/kg est le fruit d’un long processus de concertation. Les autorités reconnaissent que la mise en place de ce prix comme point de départ du plan de professionnalisation de la filière « n’est pas accueillie de la même manière selon que l’acheteur est un industriel ou un intermédiaire ». Pour ceux qui font de l’achat/revente « l’objectif est d’acheter le moins cher possible et de revendre le plus cher possible ». Pour les industriels en revanche, « il n’y a pas de difficultés sur le prix minimum de 250 USD/kg », précise le ministère dans un communiqué.
Dans ce contexte, les autorités interpellent aujourd’hui, les grandes sociétés de l’industrie agro-alimentaire et de la distribution telles que Danone, Nestlé, Cosco. « Est-il compatible de sortir des rapports sur le développement durable alors que les achats se font en dessous de 250 USD/Kg ? Est-ce éthique pour ces acheteurs internationaux de contourner la règle et de léser les paysans et la filière malgache ? », s’interroge le ministère de l’Industrialisation du commerce et de la consommation. Les autorités malgaches qui cherchent à rassurer les acheteurs internationaux à « Paris et à Washington » encouragent les industriels incorporant de la vanille dans leur produit final à s’assurer que leur fournisseur respecte bien le prix minimum de 250 USD/kg.
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