Premier exportateur mondial de produits laitiers, la Nouvelle-Zélande collecte 22 milliards de litres de lait par an. Dans les quartiers d'affaires d'Auckland, on fixe même les cours mondiaux du lait. Depuis 20 ans, le pays s'est imposé sur la scène mondiale des produits laitiers grâce à ses grands espaces, propice à l'industrie. Un succès qui a porté ce petit pays de seulement 5 millions d'habitants. Non sans faille, car cette activité intense sur la terre a provoqué de nombreux dégâts sur l'environnement.
De notre correspondant à Wellington,
Dans la région du Central Plateau, au milieu de l'île du Nord, surgissent les grands volcans de Nouvelle-Zélande. C'est ici que Shaun Neeley dirige l'une des plus grandes fermes du pays. Comme tous les matins, il embarque à bord de son pick-up pour une tournée des étables. « La traite du matin, c'est un sacré boulot ! Au domaine de Wairakei où l'on gère 19 fermes laitières, nous avons environ 20 000 vaches qui se font traire en ce moment. Par jour, chacune de ces vaches peut produire entre 20 et 25 litres de lait. Durant le printemps, on peut sortir jusque 20 000 litres de lait par jour et par étable. »
Une production XXL sur plus de 9 000 hectares en plein air libre. Par an, les fermes de Shaun produisent 85 millions de litres de lait, soit 200 fois la production d'une ferme laitière française.
Des équipements ultra-modernes mais surtout de grands espaces et un climat tempéré. Au début du XIXè siècle, les colons britanniques ont rasé des milliers d'hectares pour les transformer en immenses fermes. Mais ce n'est qu'à la fin des années 1990 que cette industrie s'est réellement développée. Car la Nouvelle-Zélande avait tous les moyens pour réussir : une faible population et de grands espaces sur lesquels les 10 millions de bovins peuvent brouter toute la journée. « L'industrie laitière en Nouvelle-Zélande a été développée autour de l'herbe, affirme Shaun. C'est ce qui a permis au pays de devenir leader dans cette industrie, car l'herbe ne coûte presque rien car utiliser l'herbe comme aliment principal pour les vaches a permis de réduire les coûts de production à un taux très bas. »
Mais pour garder cette herbe verte pour nourrir ces vaches, il faut de l'eau. Beaucoup d'eau. En moyenne, 1 000 litres d'eau sont nécessaires pour produire un litre de lait. De l'eau qu'il faut puiser dans les rivières et dans les nappes phréatiques. Car en été, certaines régions de Nouvelle-Zélande deviennent très arides. C'est le cas du central plateau et les 19 fermes de Shaun. Alors les fermiers sont dépendants de systèmes d'irrigation. « Sur cette portion de ferme, nous utilisions un pivot d'irrigation. Il tourne en cercle et arrose le pâturage durant la saison sèche. Là par exemple, nous irriguons un peu moins de 1 000 hectares en ce moment et la quantité d'eau est aux alentours de 1,7 million de litres d'eau par hectare entre fin octobre jusqu'au mois de février. »
Au total, ce simple morceau de prairie consomme donc plus de 14 millions de litres d'eau par jour. C'est l'équivalent de la consommation annuelle d'une ville comme Avignon.
Mais qu'importe, en Nouvelle-Zélande, la machine ne peut pas s'arrêter de tourner. Le lait des 20 000 vaches de Shaun rejoindra ensuite Fonterra, la plus grande entreprise de Nouvelle-Zélande. À lui seul, ce groupe représente 30% du lait mondial exporté.

De lourdes conséquences environnementales
Après vingt ans d'agriculture intense dans l'industrie laitière, les rivières et cours d'eau sont devenus les victimes de ce secteur. Une problématique pour un pays qui se vante d'une image « 100% pure » dans ses campagnes publicitaires. Aujourd'hui, plus de deux tiers des rivières de Nouvelle-Zélande dépassent les seuils sanitaires. Une pollution causée par les effluents des fermes qui finissent dans les cours d'eau. Mais une voix s’élève contre cette catastrophe environnementale. Celle de Mike Joy. Ce chercheur à l'Université de Massey à Wellington évalue depuis une quinzaine d'années le taux de nitrate dans l'eau. « Les fertilisants de nitrogènes sont très utilisés sur cette terre pour faire pousser de l'herbe. Les vaches mangent cette herbe et la plupart de ces fertilisants finissent dans l'urine de vache et se déversent dans les sols, puis les rivières. La plupart des endroits où les Néo-Zélandais pouvaient nager auparavant...eh bien ils ne peuvent plus aujourd'hui. Enfin si l'on parle de la vie dans ces rivières, la Nouvelle-Zélande a le plus haut taux d'espèces de poissons endémiques menacés que n'importe où ailleurs. »
Une crise environnementale, mais aussi sanitaire. En Nouvelle-Zélande, la plupart de l'eau potable provient de rivières et cours d'eau. Dans certaines régions à très forte concentration de fermes laitières, le gouvernement a même déconseillé aux femmes enceintes de boire l'eau du robinet. « La Nouvelle-Zélande détient les taux les plus élevés au monde de cancer colorectal. Et là ils sont le plus élevés, sont aux endroits où il y a une grande concentration de fermes laitières à proximité. C'est clairement une crise qui prend de l'ampleur dans le pays et l'on voit bien que ce qu'on fait subir à la terre a un lien direct avec la santé de la population. »
Une frénésie productiviste qui a donc fait l'impasse sur l'environnement et la santé des Néo-Zélandais. Chaque année, l'industrie laitière rapporte une manne de plus de 11 milliards d'euros à la Nouvelle-Zélande.
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