Thierry Breton: «Un grand pays comme la France doit donner l’exemple sur ses finances publiques !»
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Cette semaine, nous recevons Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur et ancien ministre français de l’Économie. Crise budgétaire française, relations avec les États-Unis et conflits en Ukraine et à Gaza, il commente les dossiers qui divisent les Vingt-Sept.

La France, en pleine crise politique, connaît également une crise budgétaire sans précédent avec une dette record de 115% de son PIB. En Europe, la confiance en la France s’effrite. Thierry Breton, ancien ministre français de l’Économie estime que «les Français, ou en tout cas ceux que les Français ont envoyés à l'Assemblée nationale, ne veulent pas vraiment voir l'origine de ce mal français».
Il rappelle qu’en 2007, à son départ du ministère de l’Économie, l'endettement de la France s’élevait à 63% alors que celui de l'Allemagne était à 67%. «Nous avons eu les mêmes crises des deux côtés du Rhin : la crise des subprimes, des dettes souveraines, du Covid», explique-t-il. «Alors pourquoi l'Allemagne, qui a eu les mêmes crises que nous, est à 62% du PIB d’endettement aujourd'hui et la France à 116% ? Qu'est-ce qu’il s'est passé ? Avons-nous l’impression de mieux vivre depuis 2007 ? Est-ce que le fait d’avoir doublé notre taux d’endettement [...] a bénéficié au bien-être des Français ? Nous devons nous poser la question du financement de notre État-providence.»
«La France fait partie des élèves au fond de la classe»
Pour respecter le Pacte de stabilité et de croissance européen, les 27 doivent maintenir leur déficit public sous le plafond de 3% du PIB, et leur dette publique sous les 60% du PIB. «Au sein de l’UE, la France fait partie des élèves au fond de la classe. En 2024, nous avons tous décidé, France y compris, que les pays se trouvant au-dessus de 90% d'endettement auraient une obligation de baisser leur endettement d’un point de PIB par an. Aujourd'hui, nous l’oublions. Puis, d’ici à 2029, la France doit revenir sous la barre des 3% de déficit public en accord avec ce que le pays a négocié avec Bruxelles.»
Pour lui, l’ancien Premier ministre français François Bayrou avait pris en compte ces engagements dans sa feuille de route : «Est-ce la faute de François Bayrou ? Est-ce la faute du Parlement ? Est-ce la faute des Français ? Une fois de plus, la France ne va pas tenir les objectifs fixés par l'Europe. Je souhaite vraiment que ce ne soit pas le cas. Aujourd’hui, en Europe et un peu partout, nous disons qu'un pays qui ne compte pas, c'est un pays qui ne compte plus. La France a cessé de compter.»
Thierry Breton appelle au changement : «Nous ne pouvons pas continuer comme cela. D'abord pour l'équilibre de nos finances publiques, mais aussi parce que la voix de la France est nécessaire au sein des Vingt-Sept. Nous sommes un grand pays mais un grand pays doit donner l'exemple sur ses finances publiques. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.»
«Il y a une fragmentation au sein du Parlement européen»
Cette semaine, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a de nouveau échappé à deux motions de censure déposées par l’extrême droite et la gauche radicale. Une situation qui traduit «une fragmentation au sein du Parlement européen», selon Thierry Breton, ancien commissaire au marché intérieur dans la Commission von der Leyen I. «Le socle sur lequel repose la coalition qui soutient la Commission et donc sa présidente, est un socle qui est assez fragile. Plus elle est fragile, plus les extrêmes vont vouloir enfoncer des coups de boutoir. Les trois partis qui soutiennent cette coalition doivent démontrer une cohésion à toute épreuve. Et ce n'est pas le cas. Les sociaux-démocrates et les Renew se plaignent du fait que par moment, le PPE oscille», en référence à certains votes du Parti populaire européen aux côtés des droites radicales. «Il faut vraiment mettre en garde contre ce type d'attitude qui, à un moment, risque précisément, sous ces coups de boutoir, non seulement de fragiliser, mais de faire tomber la Commission. Nous sommes dans un moment très singulier. Ce n'est pas le hasard. Cela doit rappeler à tout le monde ses responsabilités.»
«C'est un très mauvais accord»
Les États-Unis et l'UE sont parvenus à un accord sur les droits de douane, après des discussions très difficiles entre Ursula von der Leyen et Donald Trump. Un taux plafond de 15% a été décidé pour la majorité des exportations européennes vers les États-Unis. Ces derniers n’auront pas à s’acquitter de droits de douane pour leurs exportations vers l’UE. «Pour les entreprises européennes et pour nous ? C'est un très mauvais accord, c'est une évidence», estime Thierry Breton. Selon lui, le Canada et le Mexique sont parvenus à négocier leurs droits de douane à 4% grâce à leur fermeté. «En ce qui concerne l’UE, nous avons à présent une zone de libre-échange unique, à l'envers. Les États-Unis vont exporter sur le premier marché économique mondial, l'Europe, avec zéro droit de douane. [...] Puis en plus de cela, nous nous sommes engagés sur les trois ans qui viennent à acheter pour 750 milliards d'hydrocarbures aux États-Unis. [...] Enfin, nous avons acté d’investir à hauteur de 500 milliards par an dans l’économie américaine. Donc est-ce que c'est un bon accord ?», ironise l’ancien ministre des finances.
«Nous avons des objectifs communs pour nous protéger»
En Ukraine, le conflit se poursuit et la menace russe pèse sur le reste de l’Europe. Pour se défendre, les États membres souhaitent la mise en place d'un «mur anti-drones» destiné à protéger le continent des intrusions d'appareils non-identifiés. «Cela n'a pas de sens de faire un mur de drones. Les drones peuvent traverser les frontières mais ils sont, pour beaucoup d'entre eux, envoyés aussi directement des États membres d'un camion sur ces espaces dits contestés comme l'espace maritime, aérien, cyber et spatial. [...] Nous avons des objectifs communs pour avoir des infrastructures et des équipements pour nous protéger dans ces quatre espaces. Les outils et les instruments sont là. Il faut avoir une démarche globale et maintenant la mettre en musique de façon collective», conclut-il.
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