Mahamane Ousmane: «Ma priorité est de régler le problème de l'eau au Niger»
Publié le :
Au Niger, la présidentielle est dans deux semaines, les 27 décembre. Conformément à la loi fondamentale, le président Mahamadou Issoufou ne se représente pas pour un troisième mandat. Son candidat est Mohamed Bazoum, l'ancien ministre de l'Intérieur et des Affaires étrangères. Dans l'opposition, Hama Amadou est écarté de la course sur la décision de la Cour constitutionnelle. Mais il y a d'autres poids lourds. Parmi eux, l'ancien président Mahamane Ousmane, arrivé quatrième en 2016 avec 6% des voix. Il répond aux questions de RFI.

RFI : Vous critiquez le bilan du président Mahamadou Issoufou, mais n’a-t-il pas le mérite de partir à la fin de son deuxième mandat sans solliciter un troisième mandat ?
Mahamane Ousmane : C’est comme le verre à moitié plein pour les optimistes, et le verre à moitié vide pour les pessimistes. On peut estimer que c’est un mérite, c’est vrai, quand on compare à la situation de ce même pays il y a quelques années, et quand on compare aussi avec la situation d’autres pays. Mais je pense que ce n’est pas un si grand mérite que cela, parce que la Constitution, qui est la loi fondamentale du pays, prévoit justement qu’en aucun cas, personne ne peut aller au-delà du deuxième mandat consécutif.
Donc, c’est le verre à moitié vide et à moitié plein. Sur le plan économique, le président Issoufou Mahamadou n’a-t-il pas un bon bila ? N’a-t-il pas réussi à développer le Niger ?
Je suis de formation, de profession et d’expérience un statisticien économique. En termes d’indices de développement humain, qui est un indice synthétique pour mesurer la gestion de la gouvernance, vous allez constater que, sur les dix années de gestion du président Issoufou Mahamadou, le Niger, notre cher pays, se trouve être le dernier pays de la planète en termes d’indices du développement humain. Mais quand vous prenez les citoyens nigériens, leur appréciation sera pire, parce qu’il y a l’insécurité, l’absence d’éducation, l’absence d’emploi. Voilà, mon appréciation sur son bilan.
Alors sur le plan de l’insécurité justement, est-ce que le Niger n’a quand même pas réussi à mieux résister aux groupes jihadistes que ses deux voisins de l’Ouest, le Mali et le Burkina Faso ?
C’est exact. Mais moi, j’estime que, si la gestion de la question sécuritaire avait été autrement que celle qu’elle a été ici au Niger ces dix dernières années, les résultats auraient été encore mieux.
Qu’est-ce que vous pourriez faire de mieux ?
D’abord, la première priorité de mon programme, c’est de traiter et de résoudre, en grande partie, la question tout simplement de l’eau, dans ce Niger sahélien désertique, enclavé, de manière à gérer les questions de l’agriculture, de l’élevage, de l’alimentation et de la lutte contre l’exode rural et de l’émigration, c’est très important ce premier point. Ensuite, la question de l’éducation. Le fait de faire en sorte que nos jeunes, plutôt que d’être désœuvrés et très réceptifs aux sirènes des jihadistes et autres, soient dans des structures de travail soit au niveau de l’État, soit au niveau du privé, soit dans les champs, qu’ils soient donc occupés.
Le taux de croissance économique est annulé par le taux de croissance démographique. Est-ce que le Niger ne souffre pas de surnatalité ?
C’est certain, mais il y a aussi une solution à cela. Si une grosse partie des fonds d’investissement publics, et même privés, sont investis au niveau de l’éducation, les mentalités vont évoluer et changer ou modifier les comportements.
Le candidat du parti au pouvoir Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), Mohamed Bazoum, est considéré comme le favori de ce scrutin. Est-ce qu’il n’a pas tout de même de bonnes chances de gagner cette année avec le bilan PNDS ?
D’abord, s’il s’agit du bilan PNDS, [Mohamed] Bazoum est battu avant même de « compétir ». Maintenant, s’il s’agit d’élections libres, inclusives, transparentes, honnêtes, sans trucage, monsieur [Mohamed] Bazoum n’a absolument aucune chance de gagner. Voyez-vous les premières élections, qui ont permis à monsieur Mahamadou Issoufou d’être élu président de la République, ont été des élections truquées. Alors maintenant, si jamais, dans ce pays, les événements qui se sont passés précédemment sont réédités, je ne veux pas être un prophète de malheur, mais je vous assure qu’il risque d’y avoir des difficultés à gérer les conséquences. Tout le monde s’attend à une alternance démocratique pacifique. Les populations de ce pays aspirent à la paix. Mais, chez ceux qui ont la responsabilité de sa gestion aujourd’hui, il y a un refus catégorique, un refus total du dialogue politique, un refus de corriger certaines imperfections qui sont criardes. C’est très dangereux d’aller à des élections dans ces circonstances-là et de penser qu’en faisant les mêmes manipulations que les deux dernières fois, les gens vont encore subir.
Beaucoup regrettent que le candidat Hama Amadou ne puisse pas se présenter. Mais n’a-t-il pas été condamné par la justice à un an de prison dans une affaire de trafic de bébés ?
C’est exact, il a été condamné et il n’était pas le seul. Tout cela, c’est vrai. Mais je pense que le fonctionnement de notre système judiciaire mérite d’être revu de manière à ce que les juges eux-mêmes soient plus impartiaux et plus indépendants.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne