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Insurrection jihadiste au Mozambique: les pays de la SADC «préoccupés par la situation»

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Un mois après une importante attaque jihadiste dans le nord du Mozambique, la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) s’interroge sur l’envoi de militaires pour aider Maputo à lutter contre le terrorisme. Fin mars, des combattants shebabs ont attaqué la ville portuaire de Palma, tuant des dizaines de civils. Un sommet extraordinaire de la SADC, prévu ce 29 avril pour discuter d’une réponse régionale, a été reporté sine die. Le chercheur Éric Morier-Genoud, professeur d’histoire africaine à la Queen University de Belfast est l'invité de RFI.

Des habitants de Palma, dans le nord du Mozambique, évacués après l'attaque jihadiste contre leur ville, arrivent à Pemba le 1er avril 2021
Des habitants de Palma, dans le nord du Mozambique, évacués après l'attaque jihadiste contre leur ville, arrivent à Pemba le 1er avril 2021 © Alfredo Zuniga/AFP
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RFI : Pourquoi est-ce que la SADC envisage d’envoyer des soldats dans le nord du Mozambique pour lutter contre le terrorisme ?

Éric Morier-Genoud : Alors la SADC, comme la communauté internationale, est préoccupée par la situation au nord du Mozambique. C’est le cas depuis déjà plusieurs mois, mais avec l’attaque qu’il y a eu à Palma près du site du site de gaz liquéfié au mois de mars, les inquiétudes sont devenues beaucoup plus grandes et la SADC aimerait donc venir en aide et s’assurer qu’on puisse éliminer ce risque armé dans le nord du Mozambique.

Est-ce que les pays membres de la SADC craignent justement que cette menace jihadiste dans le nord du Mozambique ne se propage dans leur propre pays ?

Tout à fait, ce groupe jihadiste a commencé en octobre 2017 et a commencé avec très peu d’armes, principalement des machettes au niveau des villages dans la campagne, mais il a grandi. Il a grandi en nombre de soldats et en armement ainsi que stratégiquement. Et l’année passée, ils ont même fait des incursions dans le sud de la Tanzanie. Et alors que le mouvement est en train de grandir, ils se disent que si le gouvernement mozambicain n’arrive pas à éliminer ce groupe, il y a un risque effectivement qu’il passe dans le sud de la Tanzanie, mais peut-être être aussi au Malawi.

Est-ce qu’il y a déjà des contacts entre ce mouvement jihadiste « Al-Chabab » et les pays voisins comme par exemple des bases arrière ou des filières de recrutement ?

Alors on sait que le groupe s’est développé principalement dans le nord du Mozambique, mais à la frontière avec la Tanzanie. Et il y a plusieurs Tanzaniens dans le groupe, assez nombreux peut être, et même des Tanzaniens dans la direction du groupe, il est possible, enfin on dit qu’il y a d’autres éléments d’autres pays, que ce soit de l’Afrique de l’Ouest, Somalie. Mais il y a une crainte évidemment que le sud de la Tanzanie soit par exemple un terreau, dans lequel ils puissent se développer, voir au Malawi éventuellement, peut-être même au Zimbabwe.

L’une des pistes envisagées par la SADC est le déploiement immédiat de 3 000 hommes, est-ce que le gouvernement mozambicain serait d’accord pour accueillir des troupes étrangères sur son sol ?

Alors le Mozambique dans son entier je dirais, le gouvernement ainsi qu’une bonne partie de la population est contre une intervention étrangère avec des soldats sur le terrain ; mais la situation a changé dernièrement, et plusieurs personnalités, même au sein du parti au pouvoir, pensent que peut être une forme d’intervention serait utile, que ce soit des forces spéciales, ou de l’appui armé ou de l’intelligence par satellite ou des drones, enfin des aides de ce type-là. Donc la discussion est je pense moins s’il y aura une aide ou pas, mais plutôt quelle forme et quelle quantité d’aide il y aura.

Maputo ne serait pas opposé à une aide militaire mais plutôt sous forme de matériel plutôt que de troupe ?

Exactement. Ils aimeraient beaucoup avoir beaucoup d’appui en armes, en munitions et en intelligence pour le contrôle des frontières ; ils pensent que le groupe a beaucoup de relations avec l’extérieur. Et ils aimeraient que les pays voisins contrôlent mieux leurs frontières. Mais ils ne veulent pas de troupe étrangère sur leur terrain, c’est vraiment le critère dur.

Alors vous parlez d’aide en matériel, est-ce que c’est parce que c’est ce qui leur fait défaut actuellement pour lutter contre ce groupe jihadiste ?

Je crois qu’ils ont du matériel, mais c’est sûr qu’il y a du matériel spécialisé qu’ils n’ont pas, ils manquent d’hélicoptère, quoi qu’ils en aient certains, mais il leur en faudrait plus, il leur faudrait des drones, il leur faudrait de la formation pour opérer ces hélicoptères, des drones et d’autre matériel plus spécialisé… qui donneraient au gouvernement mozambicain un avantage beaucoup plus sûr.

Est-ce qu’aujourd’hui le gouvernement mozambicain bénéficie déjà d’une aide extérieure, pour lutter contre les groupes jihadistes sur son territoire ?

On ne connaît pas tous les détails, mais le gouvernement a reçu l’aide de militaires américains pour la formation de troupes spéciales, des cours assez courts sur un mois et des troupes portugaises sont actuellement au Mozambique aussi pour former d’autre troupes spéciales,  terrestres dans ce cas-là, et donc il y a toute cette discussion de réorganiser un peu l’armée pour la rendre plus amène à faire des opérations de contre guérilla, avoir des meilleurs moyens, articuler mieux entre la police et l’armée, les forces de l’air etc... c’est tout à ce niveau-là qu’il y a une volonté d’améliorer l’efficacité de l’armée.

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