Le grand invité Afrique

Derek Chollet (États-Unis): «La sécurité alimentaire reste une des priorités de notre agenda international»

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Multiplication des attaques terroristes ces derniers mois, inflation, pénuries alimentaires, l'Afrique de l'Ouest subit une série de crises aggravées par plusieurs facteurs extérieurs comme la guerre en Ukraine. Des difficultés qui inquiètent la communauté internationale qui craint à terme une déstabilisation de la sous-région. Pour en parler, Derek Chollet, conseiller au département d'État américain.

Derek Chollet, le 15 septembre 2021 à Tripoli en Libye. (Illustration).
Derek Chollet, le 15 septembre 2021 à Tripoli en Libye. (Illustration). AFP - MAHMUD TURKIA
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RFI : La guerre en Ukraine a de graves conséquences sur l’Afrique de l’Ouest, avec des manques de fertilisants, de blés, de maïs, une inflation… Ça fait beaucoup en même temps. 

Derek Chollet : Absolument, on est face à une tempête parfaite. Le continent devait déjà gérer une crise alimentaire profonde avant même que Vladimir Poutine ne décide d’envahir l’Ukraine. La situation n’a fait que s’aggraver depuis, parce que la Russie empêche les céréales ukrainiennes de rejoindre le marché, c’est pourquoi nous avons concentré beaucoup d’efforts pour limiter la crise, mais particulièrement en Afrique de l’Ouest.

Nous avons fourni presque 6 milliards de dollars d’aide alimentaire depuis le début de la guerre, nous travaillons avec plusieurs pays pour limiter leur pénurie d’engrais. Le président Biden vient d’annoncer 500 millions de dollars supplémentaires pour augmenter la production américaine d’engrais. Mais nous tentons aussi de convaincre d’autres pays d’investir davantage dans le secteur, d’encourager des pratiques plus efficaces et de mettre sur le marché des alternatives aux engrais. Nous tentons d’aider à développer des compétences sur le long terme pour faire face à ce genre de crise et permettre une meilleure résistance aux chocs.

Mais pour nous, il est très important de nous assurer que la sécurité alimentaire reste une des priorités de l’agenda international. Le sommet du G20 de Bali, il y a dix jours, a désigné la sécurité alimentaire comme une des priorités du groupe et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov n’a même pas assisté à cette séance ! Ça traduit bien la vision de la Russie concernant cette crise, et je veux être très clair, parce que le sujet est âprement débattu en Afrique : oui, la sécurité alimentaire était déjà un problème avant l’invasion de l’Ukraine en février, mais elle s’est considérablement aggravée à cause de l’invasion russe, et ça n’a rien à voir avec les sanctions prises contre la Russie. Il y a des volets de ces sanctions qui permettent à la nourriture d’arriver sur le marché, c’est à cause de cette guerre lancée par la Russie que tout s’est aggravé.

►À écouter aussi : Invité Afrique - Le conflit en Ukraine aggrave l’insécurité alimentaire en Afrique de l’Ouest, selon la FAO

Ces dernières semaines, il y a eu des attaques terroristes au Togo, au Bénin, au Burkina, au Mali… Quelle est votre vision de la situation sécuritaire dans la sous-région ? 

C’est évidemment quelque chose que nous regardons de près. Notre armée s’est beaucoup impliquée pour aider nos partenaires à augmenter leur capacité, car construire des armées capables et professionnelles, c'est absolument vital. Cela passe par une amélioration de la gouvernance, l’état de droit, et faire respecter les droits de l’Homme, mais aussi en fournissant des opportunités économiques à des populations qui, peut-être à cause des difficultés économiques, vivent dans une plus grande insécurité… Donc, on se concentre dessus, et nous allons essayer de contribuer davantage à la sécurité économique.

Nous pensons que notre engagement là-bas est absolument vital, c’est pourquoi depuis un an, vous avez vu une série de visites d’officiels américains en Afrique et ça va continuer dans les prochaines semaines pour essayer de voir comment nous pouvons continuer notre partenariat et atteindre nos objectifs sécuritaires. L’administration Biden voit nos partenaires en Afrique comme des alliés cruciaux, on ne débarque pas comme ça en disant aux autres ce qu’ils doivent faire ou en réglant les problèmes pour les autres, mais c’est un travail commun avec nos partenaires sur le terrain, pour essayer d’atteindre leurs besoins à court et à long terme, et construire leur capacité au fur et à mesure.

 

La situation est très tendue entre le Mali et la France, la force Barkhane se retire du pays, est-ce que la lutte contre le terrorisme ne va pas être affaiblie ? 

Nous sommes toujours aussi impliqués pour apporter la sécurité, la stabilité et la bonne gouvernance dans la sous-région. Depuis cinq ans, on a fourni des centaines de millions de dollars dans les programmes d’aide sécuritaires bilatérale et pour contrer l’extrémisme. Et nous allons continuer à le faire, nous en parlons beaucoup à nos alliés français, mais aussi aux pays de la région, et bien sûr à l’ONU, surtout à la force Minusma dans sa mission pour protéger les civils.

Nous allons maintenir nos efforts et pas seulement militaires, et c’est pour ça que nous nous sommes focalisés sur le Covid, sur le climat, la sécurité alimentaire qui est probablement le dénominateur le plus important de la montée de l’insécurité ces cinq ou six derniers mois, car cela nourrit le sentiment d’insécurité que les extrémistes utilisent, entraînant une menace encore plus grande.

►À lire aussi : Invité Afrique - France au Sahel : « C'est un échec, l'opération Barkhane n'a pas pu endiguer la progression jihadiste »

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