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Le Maroc au Mondial 2022: «On a vu quelque chose de magnifique, ça, c’est très bien pour l’image du pays» (Jamal Amiar, journaliste marocain)

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A Doha au Qatar, la folle aventure des Lions de l’Atlas s’est donc achevée hier soir en demi-finale de la Coupe du monde. Les hommes de Walid Regragui ont chuté face à la France. Une défaite 2 à 0. Malgré cela, le Maroc a réalisé un parcours exceptionnel. Il est le premier pays du continent à atteindre ce stade de la compétition. Pour y parvenir, il a battu tour à tour la Belgique, l’Espagne et le Portugal. Des succès qui ont été célébrés à travers le monde arabe et sur le continent africain. Pour analyser cette performance historique et ses possibles retombées, Jamal Amiar, auteur et journaliste marocain, est notre invité.

Coupe du monde de football -FIFA Qatar 2022- demi-finale  France / Maroc - Stade Al Bayt, Al Khor. Les joueurs marocains posent pour une photo de groupe d'équipe avant le match.  Qatar, le 14 décembre 2022.
Coupe du monde de football -FIFA Qatar 2022- demi-finale France / Maroc - Stade Al Bayt, Al Khor. Les joueurs marocains posent pour une photo de groupe d'équipe avant le match. Qatar, le 14 décembre 2022. REUTERS - CARL RECINE
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RFI : Quel est le sentiment qui vous anime après cette défaite du Maroc en demi-finale. C‘est de la déception, de la désillusion ?

Jamal Amiar : Non, de la désillusion peut-être pas. Certainement de la déception, parce que l’équipe du Maroc n’a pas démérité hier soir. Elle a fait un très bon parcours. Elle s’est retrouvée dans cette demi-finale, c’est quand même le dernier carré face à une équipe de France efficace, expérimentée.

C’est un résultat quand même cruel pour les Lions de l’Atlas. Ils ont dominé, ils ont eu des occasions, mais ça n’est pas passé.

Ils ont eu des occasions, certes. Dominé ? Je ne sais pas, parce que je crois qu’en première mi-temps après le premier but français, les Lions de l’Atlas ne sont pas passés très loin de la catastrophe, parce qu’il y a eu deux ou trois occasions françaises très bonnes. Les Marocains ont beaucoup mieux joué en deuxième mi-temps, c’est sûr. Mais on ne va pas refaire le film, l’équipe du Maroc est mal rentrée dans le match et après, ça a été un peu compliqué. Ils n’ont pas été aussi percutants que contre le Portugal, l’Espagne ou la Belgique.

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Malgré cette défaite, le Maroc aura réalisé un parcours incroyable qui restera dans l’histoire du football. Ce parcours exceptionnel des Lions de l’Atlas, ils le doivent notamment à un homme : Walid Regragui, leur sélectionneur. Il a pris les commandes de l’équipe fin août. Comment est-il parvenu en si peu de temps à construire un groupe aussi solide ?

L’homme a certainement, avant même d’avoir des qualités sportives ou des qualités d’entraîneur, des qualités de meneur d’hommes et de leadership assez exceptionnelles. Et il est certain que, quand on prend en main une équipe un 31 août pour une Coupe de monde qui démarre à la mi-novembre, il faut du charisme, du caractère, la capacité à vraiment diriger une équipe, à lui donner confiance, à créer du liant entre plus de vingt-cinq éléments. Cela reste des choses à voir avec un peu plus de détails à analyser, mais il est certain que Walid Regragui a accompli un travail formidable en moins de quatre mois, vraiment formidable.

On parle là de Walid Regragui. Mais il y a eu aussi tout le travail qui a été entrepris par la Fédération royale marocaine de football (FRMF) ces dix dernières années.

C’est vrai. L’autre chose, au niveau des structures, c’est qu’il y a eu au Maroc la création d’une académie de football Mohammed VI, qui est située au nord de Rabat, il y a un peu plus de dix ans. Et cette académie est une véritable pépinière de footballeurs : elle est très bien faite avec une dizaine de terrains de foot, avec des hébergements haut de gamme, avec tout ce qu’il faut pour une école de foot. Et les professionnels du football sont assez unanimes maintenant à le déclarer et à dire que l'on commence à récolter les fruits.

Après cette performance, est-ce que le Maroc ne devient pas un candidat très sérieux à l’organisation d’une nouvelle Coupe du monde sur le continent africain ?

Oui, certainement. Le Maroc a toujours eu l‘ambition d’organiser une Coupe du monde. Cinq candidatures, le Maroc a déjà organisé des Coupes d’Afrique - il est encore candidat pour organiser la prochaine. Le Maroc avait le projet de présenter une candidature pour 2030 avec l’Espagne et le Portugal. Mais, pour 2030, je pense que le Maroc n’ira pas, parce que le Maroc soutiendra plutôt la candidature de l’Arabie saoudite. Mais le Maroc est candidat à ce genre d’événements. C’est vrai que c’est beaucoup de diplomatie, c’est beaucoup d’argent pour préparer, c’est beaucoup d’investissements. On verra, mais cela se fera. Pour l’instant, pas avant 2034, il faut être réaliste.

Qu’est-ce que cette performance peut changer pour le Maroc ?

Elle a déjà changé l’image du Maroc certainement dans les milieux sportifs internationaux. En Afrique et dans le monde arabe, on a vu quelque chose qui ne s’est jamais vu auparavant. C’est-à-dire qu’avant la qualification du Maroc pour les quarts et avant la qualification pour les demi-finales, on a vu le drapeau marocain brandi à Casablanca, à Dakar, à Tel Aviv, à Ramallah, à Bagdad, dans les camps de réfugiés en Syrie, au Yémen, dans les capitales et les grandes villes européennes où il y a de grandes communautés marocaines. Donc, on a vu quelque chose d’assez magnifique qui améliore l’image du Maroc, qui accroit un peu son soft power, son pouvoir immatériel, son influence. Et cela, c’est très bien pour l’image du pays, pour des choses comme le tourisme, pour le commerce aussi. Ce genre de performance sportive offre tout de suite un préjugé beaucoup plus favorable sur le pays que d’ordinaire. Et ça, c’est bien, c’est un acquis.

Il y a eu récemment des fortes tensions entre Rabat et certaines capitales africaines. Ce parcours des Lions de l’Atlas peut faire évoluer l’image du Maroc et permettre d’apaiser ces tensions ?

Le football, c’est un jeu et c’est du plaisir. Et la politique, c’est quelque chose d’extrêmement dur, cynique et brutal. Jusqu’où cette image sportive positive peut [aller]… Je pense que c’est du très court terme, mais pas du tout du moyen ou long terme. Parce que sur le moyen ou long terme, des intérêts d’État, la raison d’État, les grandes animosités au niveau des médias ou de l’information restent. Quel impact vraiment concret sur le fond des choses ? Cela reste encore à prouver.

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