Le grand invité Afrique

Général Didier Castres: le discours du président Macron a été marqué par «une grande lucidité»

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Emmanuel Macron a présenté le 27 février 2023 sa nouvelle politique pour l’Afrique. Le président français a tenu un discours, à l'Elysée, à la veille de son départ pour une tournée sur le continent. Un discours très général qui a mis l'accent sur un partenariat repensé que la France doit nouer avec le continent africain, dans divers secteurs : l’économie, la culture, le sport, mais aussi sur la question sécuritaire. Le chef de l'État a surtout insisté sur la nécessité de ne plus voir l'Afrique comme le pré-carré de la France. « Un discours lucide », selon le général d'armée Didier Castres, directeur des opérations de l'armée française dans tous les pays où elle est intervenue, de 2009 à 2016. Il a été notamment le cerveau des opérations Serval et Barkhane.

Le général Didier Castres
Le général Didier Castres © linkedin.com
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RFI : Mon général, pour commencer, qu’est-ce que vous retenez de ce discours du président de la République qui vient de présenter en gros l’axe qu’il prévoit pour son second mandat pour le continent africain ?

Didier Castres : Beaucoup attendaient ou espéraient un discours d’un bourgeois de Calais, d’arrogant vis-à-vis du continent africain. Je pense que ce discours a été marqué par une grande lucidité et par une grande humilité. En tout cas, c’est ce que je ressens. Je retiens que le président dit que la France a conscience qu’elle n’est pas le seul interlocuteur en Afrique, que ce temps-là est fini, qu’il y a d’autres interlocuteurs, qu’il faut les connaître, qu’il faut les respecter, qu’il faut être plus attentifs aux souhaits, aux besoins des pays africains dans la relation qu’on veut établir avec eux, qu’il faut être décomplexé sur nos intérêts. Tous les pays ont des intérêts, la France a des intérêts. Il faut être beaucoup plus proactif et non pas dans le seul volet militaire, mais dans tous les domaines. Il a évoqué l’éducation, la culture, l’économie et le volet sécuritaire.

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Emmanuel Macron est aussi revenu sur les opérations militaires dans le Sahel et ce que beaucoup considèrent comme étant un échec de l’armée française. Il a annoncé une restructuration des bases françaises en Afrique, dont certaines deviendront des académies cogérées avec les armées africaines. Que pensez-vous de ce nouveau dispositif ?

Le président n’a pas dit que les opérations militaires françaises avaient été un échec de la France. Vous ne pouvez pas prendre à votre compte cette notion-là. Il dit simplement que le volet militaire de la France ne peut pas régler seul des problèmes qui sont d’une autre nature que sécuritaire, qui sont des problèmes de politique intérieure, c’est vraiment cela qu’il a dit. Et je le dis d’autant plus avec, non pas d’énervement, mais avec d’autant plus de vigueur que c’est moi qui commandais cette opération. Sur l’évolution du dispositif, c’est une démarche qui est probablement beaucoup plus contractuelle qu’elle ne l’était jusqu’à présent avec : quels sont les besoins en formation ? Quels sont les besoins en équipement ? Quels sont les besoins en accompagnement ? Avec le souhait de ne pas construire des camps de petibonum ou de babaorum comme dans [la série de bandes dessinées, NdlrAstérix et Obélix, mais de faire des camps mixtes avec les pays qui nous accueillent, s’ils le souhaitent. L’interopérabilité technique, c’est simplement une question de tuyaux, de matériel et d’argent. L’interopérabilité culturelle, c’est d’abord apprendre l’autre. À mon avis, on apprend l’autre quand on vit à côté de l’autre.

Le président a également annoncé un changement à venir dans la communication des autorités françaises. Alors il n’a jamais cité la Russie dans son discours, mais tout laisse à croire qu’il s’agit d’une contre-attaque face aux méthodes de désinformation opérées par le Kremlin, et tout particulièrement par le groupe Wagner…

Il ne l’a pas dit dans son discours initial, il a répondu à une question qui était posée par une journaliste, gabonaise je crois, en disant que Wagner était une bande d’écorcheurs, d’assassins, et avec lequel on ne pouvait pas trouver d’accord de principe compte tenu de nos valeurs respectives. Il n’a pas cité la Russie en tant que tel, mais quand on cite Wagner, c’est quand même un secret de polichinelle de savoir que c’est la prolongation du Kremlin.

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