Hakainde Hichilema: «Restructurer la dette zambienne était l'une de nos principales priorités»
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La Zambie est désormais entre soulagement et espoir. Les créanciers du pays, notamment la Chine, ont conclu un accord pour restructurer 6,3 milliards de dollars de la dette zambienne. C'était jeudi 22 juin à Paris, en marge du sommet sur le nouveau pacte financier mondial. En 2020, en pleine pandémie de Covid-19, la Zambie est devenue le premier pays d'Afrique à entrer en défaut de paiement. Lusaka a cessé de payer ses créanciers extérieurs. Fin 2022, le ministère des Finances évaluait la dette du pays à près de 32,8 milliards de dollars, dont 18,6 milliards auprès des créanciers étrangers. Cet accord, arraché après trois ans de négociations, est une étape-clé pour débloquer un plan d'aide de 1,3 milliard de dollars sur trois ans, obtenu auprès du FMI. Une réussite pour le président Hakainde Hichilema, élu sur la promesse de relancer l'économie.

RFI : Comment avez-vous réussi à obtenir cet accord ? Pensez-vous que la visite du président français en Chine en avril 2023 a pu aider à faire avancer les négociations ?
Hakainde Hichilema : Toutes les étapes positives nous ont permis d'atteindre cet objectif final. Mais, il s'agit d'une combinaison de plusieurs choses, d'abord, nos propres intentions. Lorsque nous avons pris nos fonctions, en tant que nouveau gouvernement, nous avons été clairs. La restructuration de la dette était l'une de nos principales priorités. La dette était pour nous un véritable handicap. D'autre part, il y a eu cette volonté des créanciers de se joindre à la table des négociations. Ça a été très important. Les institutions se sont aussi impliquées : le Fonds monétaire international, la Banque mondiale... C'est donc grâce à la combinaison de toutes ces mesures.
Oui, la visite du président Macron en Chine a joué. Je suis sûr qu'ils ont abordé le sujet. Je suis aussi venu à Paris, il y a un mois. Nous avons discuté de la dette. J'ai aussi évoqué ce problème avec le président chinois, Xi Jinping, et beaucoup d'autres dirigeants dans le monde.
La Chine est le 1er investisseur étranger en Zambie. Pékin y a construit des routes, des écoles, des usines, des postes de police... Ce poids économique n'est-il pas problématique pour votre pays, comme l'ont démontré les longues et difficiles négociations sur la restructuration de la dette ?
Le problème n'est pas la Chine. Ça n'a jamais été le cas. Le problème n'a jamais été la France, les États-Unis, l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Les emprunteurs doivent savoir ce qu'ils veulent. Nous avons été capables d'entrer sur les marchés sans avoir de visibilité ou d'objectif précis sur le niveau de la dette et son coût. Alors, à quoi avons-nous consacré l'argent que nous avons emprunté ? On ne l'a pas utilisé pour la redistribution via les salaires, pas non plus pour la croissance ou l'investissement. On l'a utilisé pour augmenter le pouvoir d'achat. C'est là que se situe le problème.
Avant d'accéder au pouvoir, vous avez promis aux Zambiens qu'ils récupèreraient leurs ressources et que les Chinois seraient moins dominants sur le plan économique. Qu'avez-vous fait jusque-là ?
Il ne s'agit pas pour nous de cibler un pays ou une source d'investissements en particulier. L'enjeu pour nous, c'est de définir nos priorités. Nous souhaitons que le pays progresse économiquement, notamment dans le secteur de l'énergie. Et, nous sommes ouverts aux investissements français, chinois, américains, allemands et des pays du continent. Tous les investisseurs sont les bienvenus. Désormais, nous aurons un œil sur le coût de tel ou tel investissement ou projet. Nous ne voulons pas qu'une augmentation du coût d'un projet puisse se traduire par une augmentation des prix des produits et des services. Ce doit être une décision consciente. Nous devons gérer l'économie de façon prudente et efficace, tout en encourageant les investissements dans l'agriculture, à des fins alimentaires. C'est l'une des résolutions du Sommet et j'en suis très heureux, car nous avons insisté sur ce point : lorsque nous mobilisons le capital, le prix doit être équitable. Mais, nous avons aussi besoin d'investisseurs qui viennent travailler avec nous en Zambie, pour le bien commun, et qui apportent de la valeur ajoutée plutôt que de simplement extraire nos ressources en minerais. Il y a donc une grande différence entre la façon dont les choses étaient gérées dans le passé, et la façon dont elles le seront à l'avenir.
Pour accélérer la croissance économique, allez-vous chercher à obtenir d'autres prêts, et donc à réendetter votre pays, comme le font certains États ?
Bien entendu. Nous voulons augmenter le montant du capital dont nous disposons. Premièrement, nous aurons recours à des moyens innovants, comme l'effet de levier. Mais, en même temps, nous le ferons en ayant conscience des coûts à long-terme. C'est maintenant clair pour tout le monde : l'accès au capital est plus élevé pour l'Afrique que pour n'importe quel continent dans le monde. L'Afrique paie le coût le plus cher. Et cela doit changer. Nous en avons convenu lors du Sommet. Deuxièmement, nous recherchons des fonds propres qui sont des capitaux à risque. Cela implique que les investisseurs placent leur argent dans la perspective d'un rendement futur et qu'ils voudront donc promouvoir les associations d'entreprises dans ce processus.
Sur le plan diplomatique, vous étiez membre de la délégation africaine qui s'est rendue en Ukraine et en Russie, il y a une semaine. Plusieurs voix qualifient cette médiation d'échec. Qu'est-ce que vous en avez retenu ? Quel était l'intérêt de votre pays d'y participer ?
L'Afrique ne peut pas être exonérée des effets négatifs des conflits. Pourquoi l'Afrique serait-elle considérée comme ne faisant pas partie de la communauté internationale ? On ne peut pas parler d'échec. Une seule rencontre ne suffit pas à arrêter la guerre. Les Africains n'y sont pas allés pour rivaliser avec la France, la Chine, la Biélorussie, l'Ukraine ou la Russie. Nous y sommes allés pour plaider en faveur de la paix. D'abord, nous avons parlé des échanges de prisonniers. Ça a été accepté. Les deux parties se sont mises d'accord pour échanger leurs prisonniers. Vous appelez ça un échec ? Ensuite, les deux parties se sont mises d'accord pour rendre les enfants à leurs familles. Vous appelez ça un échec ? Non. Les deux parties ont aussi convenu de rouvrir les routes commerciales de la mer Noire.
L'Afrique n'est pas venue chercher des crédits. L'Afrique est à la recherche de stabilité dans le monde. Et, nous pourrons nous concentrer sur nos ressources, notre développement, nos problèmes de dettes, la réduction de la pauvreté, notre propre production alimentaire... C'est ça, nos intérêts.
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