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Présidentielle en République tchèque: «Un second tour incertain mais Pavel est favori»

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L'ex-Premier ministre Andrej Babis face à l'ancien général Petr Pavel, voilà l'affiche du second tour de la présidentielle en République tchèque, les 27 et 28 janvier 2023. Entretien avec Jacques Rupnik, historien, directeur de recherche émérite au Centre de recherches internationales de Sciences Po Paris. Il a également été conseiller du président de la République tchèque Vàclav Havel de 1990 à 1992.

Les candidats à la présidentielle tchèque, Andrej Babis (gauche) et Petr Pavel (droite) s'affronteront les 27 et 28 janvier.
Les candidats à la présidentielle tchèque, Andrej Babis (gauche) et Petr Pavel (droite) s'affronteront les 27 et 28 janvier. © Michal Cizek/AFP
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RFI : Le duel s’annonce serré et incertain pour le second tour de la présidentielle en République tchèque. D’un point de vue électoral, pour vous, de quel côté est la dynamique ?

Jacques Rupnik : Sur le papier, la dynamique est en faveur du général Petr Pavel, parce que la plupart des autres candidats, qui ne seront pas présents au second tour, se sont désistés [en sa faveur]. Sur le papier, Petr Pavel part favori, mais il faut se méfier, parce que c’est un peu la situation qu’on avait il y a cinq ans lorsque le président Milos Zeman, qui termine son mandat maintenant, avait largement gagné le premier tour. Tous les autres candidats étaient en quelque sorte contre lui et l’arithmétique le donnait perdant, et il a gagné de 1% au second tour. Donc, second tour incertain, mais le général Petr Pavel part favori.

Est-ce que le fait qu’il ait été, au cours de sa carrière militaire, commandant au sein de l’Otan lui procure un avantage alors que la guerre en Ukraine fait rage ?

Je pense que le contexte de la guerre en Ukraine lui donne certainement au moins une stature, un avantage. Ça n’aurait pas été le cas, peut-être, en temps normal, mais la guerre est à nos portes et quand vous êtes à Prague, quand vous êtes à l’est de l’Europe, vous sentez l’impact de cette guerre.

De façon beaucoup plus directe, les Tchèques ont aussi eu en 1968 leur propre expérience avec une invasion militaire soviétique. Ils savent très bien ce qui se passe en Ukraine. Et dans ce contexte, un général au poste de commande, ça met la sécurité au centre des préoccupations, même si ça n’a pas été vraiment le cas pendant la campagne.

Les conséquences de cette guerre - la crise énergétique, l’inflation à plus de 15% - n’ont pas été un thème abordé ?

Si. Les conséquences de la guerre sont importantes parce qu’un des thèmes, pas le seul, ce fut évidemment : est-ce que le gouvernement réagit correctement à l’impact économique, énergétique de la crise ? Est-ce que cet impact est réparti de façon équitable ? Et là, le général Petr Pavel est présenté par Andrej Babis, son rival, comme le candidat du gouvernement, en quelque sorte, car il est en phase avec [celui-ci]. Alors qu’Andrej Babis s’exprime de façon très critique vis-à-vis de la politique gouvernementale, faisant en quelque sorte appel à tous les mécontents. Et dieu sait s’il y en a dans une situation où l’inflation est le triple de ce qu’elle est en France. En France, on se plaint quand il y a une inflation à 5%. Il faut savoir que dans le reste de l’Europe, et particulièrement en Europe de l’Est, l’inflation est deux, trois fois et dans certains cas quatre fois plus importantes qu’en France.

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Quels souvenirs les Tchèques gardent-ils d’Andrej Babis, leur ancien Premier ministre ? Est-ce que cela lui confère un avantage pour ce second tour ou, au contraire, un désavantage ?

Je crois que c’est vraiment très mitigé, parce qu’il y a tous ceux qui lui reprochent sa désinvolture et son antiparlementarisme. Il avait fait campagne avec des slogans du type : « Le Parlement est une chambre de bavardages », « Il faut gérer l’État comme une entreprise. »

Lui, son principal atout, c’est de dire « moi, je suis un chef d’entreprise, je sais gérer les choses, je suis un pragmatique ». Cela était très mal perçu par tous ceux qui étaient soucieux à la fois du débat politique et du débat d’idées, mais aussi du respect des institutions, à commencer par l’institution parlementaire.

Mais comme il était allié aux socio-démocrates, il a progressivement développé une politique sociale, il a augmenté les retraites. Il a donc un électorat rural, de petite ville, plutôt âgé - les retraités -, et les catégories plus défavorisées. On a vu la carte électorale : lui, c’est le nord-ouest du pays en particulier, alors que Prague et les grandes villes ont voté massivement pour le général Petr Pavel - des villes plus prospères, plus ouvertes, avec un niveau d’éducation plus élevé. C’est un clivage qu’on retrouve dans d’autres élections, dans d’autres pays, y compris le nôtre. Mais on le voit clairement dans la carte électorale du premier tour.

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