Taïwan: «Combattre la guerre cognitive menée par la Chine»
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Il est l’un des pionniers de l’industrie des puces électroniques, fondateur d’UMC le numéro deux taïwanais des semi-conducteurs : mais aujourd’hui, à 75 ans, Robert Tsao a décidé de se battre pour son île et sa démocratie – menacés par le géant chinois qui ne fait plus un secret de son souhait d'annexer Taïwan. Le multimillionnaire donne donc une partie de sa fortune pour préparer ses compatriotes à la guerre et résister à la Chine. Les images de Robert Tsao qui donne des discours, vêtu d’un gilet pare-balles, ont fait le tour du monde. À deux jours d’élections à Taïwan cruciales pour l’avenir des relations avec la Chine, Heike Schmidt a rencontré Robert Tsao à Taipei.

RFI : Le géant chinois avec ses menaces quasi quotidiennes – va-t-il finir par intimider les Taïwanais et influencer leur choix électoral à votre avis ?
Robert Tsao : Le Parti communiste chinois fait tout pour, c’est sûr. L’opposition, le Kuomintang, aide d’ailleurs la Chine à jouer avec les peurs des électeurs en utilisant la tactique de l’intimidation. Mais le parti actuellement au pouvoir résiste. Donc, nous allons voir le résultat du vote.
Justement, le Kuomintang dit que ces élections sont un « choix entre la guerre et la paix », et prône un rapprochement avec la Chine. Selon vous, quelle est la meilleure manière de garantir la sécurité des citoyens taïwanais ?
Nous devons alerter le monde sur le fait que Taïwan est indépendant de la Chine. Les gens doivent comprendre que si la Chine prenait Taïwan, il s’agirait alors d’une invasion et d’une violation claire de la loi internationale. Dans ce cas, les États-Unis, le Japon et le monde entier viendraient nous aider à combattre la Chine. Il est important de comprendre que nous ne faisons pas partie de la Chine. Les relations dans le détroit de Taïwan ne sont pas une affaire interne de Pékin. 50 % des conteneurs du commerce international passent par ce couloir maritime chaque année. Si ces eaux internationales deviennent un jour une possession chinoise et que Pékin décide de les bloquer, le commerce mondial serait paralysé. Cela, personne ne peut se le permettre.
Le quasi-monopole de Taïwan dans le secteur des semi-conducteurs est souvent présenté comme la meilleure protection et une sorte de bouclier pour Taïwan – est-ce vrai ?
Jusqu’à un certain point, oui. Au-delà des semi-conducteurs, Taïwan est l’un des fournisseurs majeurs de nombreux composants électroniques clés. Nous sommes une pièce maîtresse du processus manufacturier dans la haute technologie mondiale. Taïwan a donc une grande importance stratégique pour le monde.
De nombreux entrepreneurs font très attention à ne pas froisser Pékin et mettre en difficultés leurs affaires avec la Chine. À quel moment et pourquoi avez-vous finalement décidé de défier le pouvoir communiste ?
Nous, Taïwanais, avons été éduqués dans l’idée de devenir des anti-communistes. Lorsque Chang Kai-shek du Kuomintang s’est retiré ici avec ses troupes après sa défaite en Chine en 1949, ils ont commencé à faire de tous les Taïwanais des ennemis du communisme. Mais entre les années 1980 et jusque dans les années 2000, la Chine a dit qu’elle voulait se réformer et s’ouvrir au monde. À cette époque, beaucoup d’entreprises taïwanaises sont parties investir en Chine. Ça semblait être très prometteur. Mais depuis 2012 et l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping tout a changé ! Depuis, la Chine redevient comme elle a été sous Mao Zedong. C’est devenu très dangereux. Et lorsque j’ai vu, en 2019, comment ils ont réprimé les manifestations pacifiques des Hongkongais, j’ai réalisé à quel point les communistes chinois deviennent dangereux. J’ai donc décidé de revenir à Taïwan, pour alerter mes compatriotes sur ce danger, et pour réveiller leur conscience et les convaincre de se battre pour leur île.
Vous avez décidé de donner près de 100 millions d’euros de votre fortune personnelle pour financer des formations d’autodéfense, quel est votre objectif ?
Cet argent ne finance pas seulement l’académie d’autodéfense Kuma. J’aide à combattre la guerre cognitive que mène la Chine. Les Chinois utilisent toute sorte de désinformations, de fausses nouvelles, pour gagner le contrôle sur Taïwan. C’est un champ de guerre essentiel. J’aide de nombreuses associations et les encourage à s’engager pour dénoncer les ingérences chinoises.
Être Taïwanais, cela signifie quoi pour vous ?
C’est une fierté. Taïwan symbolise la liberté, la démocratie – et de cela je suis fier. Je suis fier d’être Taïwanais, je ne voudrais pas être Chinois.
Est-ce aussi la fierté de voter justement ce samedi ?
Bien sûr. Les Chinois, pendant des milliers d’années, n’ont jamais eu le droit de vote. Nous, nous avons le droit de voter pour notre avenir. Pourquoi devrions-nous renoncer à ce droit ?
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