Corine Karema: «De nouveaux outils en recherche nous permettront d’éradiquer le paludisme»
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Notre invitée est la Dr Corine Karema, directrice générale par intérim de « Roll Back Malaria », le partenariat pour en finir avec le paludisme, qui regroupe les organisations internationales, le Fonds mondial, les bailleurs, le secteur privé et les États où sévit le parasite, en tout 500 partenaires.

Le paludisme a fait 619 000 morts en 2021 dont 96% en Afrique. C’est moins qu’en 2020, mais on est toujours au-dessus de la mortalité d’avant le Covid-19, qui a perturbé la lutte contre cette pandémie. Malgré tout, l'OMS observe que les systèmes de santé nationaux de lutte contre le paludisme ont résisté. Comment l'expliquez-vous ?
C’est vrai que malgré les perturbations des services de santé, et bien sûr de lutte contre le paludisme dû au Covid-19, les pays ont vraiment fait des efforts héroïques et qui ont vraiment porté leurs fruits. Premièrement, il y a le leadership des pays, et bien sûr, c'est un partenariat robuste, que ce soient les institutions bilatérales, multilatérales, les ONG, qui ont continué à fournir des efforts. 185 millions de cas de paludisme et 997 000 décès ont été évités en 2021. Et nous avons aussi vu qu’en 2021, un grand nombre des pays sont à portée de l’élimination du paludisme, et cela continue à progresser, en Afrique, nous avons le Cap-Vert, nous avons le Botswana.
L’éradication du paludisme est pourtant confrontée à de nouveaux défis. Les outils de prévention et les remèdes ne sont plus aussi efficaces, le parasite est devenu résistant…
Oui, il y avait neuf pays déjà en Afrique qui ont montré qu’il y a une résistance aux insecticides qui sont les pyréthrinoïdes, qui sont les insecticides qui sont utilisés tant pour les moustiquaires imprégnées et pour les pulvérisations dans les maisons.
Et il y a aussi un nouveau moustique, l'Anopheles stephensi, qui se répand dans les villes ?
Le nouveau moustique stephensi qui a été vu en Asie commence à être vu dans beaucoup de pays, Djibouti, en Somalie et au Nigeria. C’est un nouveau problème et c’est pour ça que l’OMS a élaboré une directive qui permet aux pays de pouvoir contrôler ce nouveau vecteur.
La recherche est-elle en bonne voie pour trouver des solutions à ces problèmes ?
Oui, maintenant, nous sommes à un niveau où on a vraiment un grand arsenal, des outils d’innovation qui sont en cours de développement et qui viennent d’être développés. Par exemple, quand on regarde pour les moustiquaires, on a des moustiquaires de nouvelle génération, des moustiquaires PBO, donc on ajoute à notre produit aux insecticides qui sont disponibles, pour essayer de booster l’efficacité de l’insecticide et bien sûr agresser les problèmes des moustiques qui sont résistants au pyréthrinoïde.
Et du côté des médicaments et des vaccins ?
En ce qui concerne les médicaments, pour le moment, il y a des nouvelles molécules qui ne sont pas à base d’artémisinine, qui sont en développement. Vous savez qu’il y a un premier vaccin qui a été approuvé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et qui est déjà mis en œuvre dans trois pays en Afrique : le Kenya, le Ghana et le Malawi, et il y a à peu près 27 pays africains qui ont déposé leur soumission à Gavi [l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, NDLR], pour être candidat aux sites qui vont recevoir ces vaccins. Il y a aussi un nouveau vaccin qui est le R21 qui est en troisième phase d’essai clinique. Il y a aussi d’autres vaccins qui sont en développement. Il y a aussi des anti-monoclonaux qui sont aussi des outils de prévention qui pourront être des candidats de chimio prévention pour la lutte contre le paludisme. C’est pourquoi, je suis optimiste, ce sont des outils qui vont nous permettre d’éradiquer le paludisme.
Le déploiement de tous ces nouveaux outils contre le paludisme va demander de l'argent. L'OMS évalue les besoins à 7,8 milliards de dollars par an et les financements, même s'ils ont augmenté en 2021, sont deux fois moins élevés que cela. Là aussi, vous êtes optimiste ?
Nous venons d’avoir en septembre la conférence pour la reconstitution du Fonds mondial, de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Je pense que c’est une belle réussite, surtout en se situant sur le contexte présent du Covid-19, de l’impact socioéconomique, de la guerre avec l’Ukraine, le changement climatique, parce que c’est la première fois que le Fonds mondial a pu mobiliser 15 milliards de dollars. Le Fonds mondial est un partenaire très important dans la lutte contre le paludisme, maintenant avec le Covid-19, les coûts des interventions de lutte contre le paludisme ont augmenté, les coûts d’approvisionnement ont augmenté. Donc ça dépendra aussi des pas endémiques, troisième contributeur le plus important, les soins de santé primaire.
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