Jusqu’où va la science ?

Depuis 70 ans, l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) explore l'infiniment petit

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Le CERN, le plus grand laboratoire européen de physique des particules, fêtera officiellement ses 70 ans le 1ᵉʳ octobre 2024. 70 ans d’exploration de l’infiniment petit, pour repousser les limites de la connaissance grâce la collaboration de physiciens du monde entier expérimentant sur de gigantesques collisionneurs de particules. Une vraie aventure scientifique, technologique, atomique et humaine qui est loin d’être terminée.

En ce mois d'octobre 2024, le CERN fête ses 70 ans. Une photo de l'entrée du CERN, dans la ville de Meyrin, en Suisse.
En ce mois d'octobre 2024, le CERN fête ses 70 ans. Une photo de l'entrée du CERN, dans la ville de Meyrin, en Suisse. © Fabrice Coffrini / AFP
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Une aventure infinie dans l'invisible pour percer les mystères de l’origine de l'univers et de toutes les matières qui le composent… À commencer par les énigmatiques et toujours introuvables matière noire et énergie sombre, qui composent pourtant 95 % de notre univers. Jusqu’ici, au CERN, à Genève, dans le LHC, le très grand collisionneur de particules, les physiciens ont réussi l’exploit de mettre en évidence les bosons et le fameux boson de Higgs détecté en 2012. C’est la plus infime et la plus primordiale particule de l’univers.

Visite de l'expérience ATLAS, au CERN, dans la ville de Meyrin près de Genève, le 16 novembre 2023.
Visite de l'expérience ATLAS, au CERN, dans la ville de Meyrin près de Genève, le 16 novembre 2023. © Bertrand Guay / AFP

Mais il s’agit maintenant d’aller encore plus loin dans cette exploration des constituants les plus fondamentaux de la matière. Or, ce n’est pas le moindre des paradoxes : pour explorer l’infiniment petit, il faut concevoir des machines toujours plus gigantesques, comme le FCC, le futur collisionneur circulaire : 91 km de circonférence à cheval entre la France et la Suisse, dans un tunnel à 200 mètres sous terre. Le FCC est actuellement à l’étude, comme l’a annoncé, en cette année de célébration du 70ᵉ anniversaire du CERN, sa directrice générale Fabiola Gianotti.

Le FCC serait l’instrument le plus puissant jamais construit pour étudier les lois de la nature dans leur aspect le plus fondamental et serait opérationnel en 2045. On voit décidément très loin au CERN, mais jusqu’où nous entraînera ce gigantisme technologique ? C’est la grande question qui se pose aujourd’hui pour le CERN, non seulement le coût financier, mais aussi et surtout l’impact environnemental et la consommation énergétique d’un tel instrument, qui ne manquent pas d’interroger les chercheurs eux-mêmes. Jusqu’où sera-t-il possible, et surtout soutenable, de repousser les limites de la connaissance ?

Un des arguments en faveur de la construction de ce futur collisionneur circulaire géant est aussi géopolitique. Car la Chine est en train d’en construire un, et la directrice du CERN n’a pas manqué de rappeler, à raison, que si la Chine souhaite devenir leader dans ce domaine de science et de connaissance fondamentale avec toutes les technologies associées, cela risque fort de mettre fin à ce qui est dans l’ADN même du CERN et, probablement, sa plus formidable réussite : la mise à disposition pour toute l’humanité des découvertes et des technologies associées.

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Un projet de collaboration pacifique dans la recherche fondamentale

Ce partage des recherches et des connaissances, cette science libre et ouverte est à l’origine même de la fondation du CERN. En 1954, il y a 70 ans exactement, quelques années après la Seconde Guerre mondiale, le CERN est créé avec pour mission de soutenir une recherche scientifique d’excellence afin de promouvoir une collaboration pacifique dans la recherche fondamentale. Et c’est exactement ce qui a été réalisé au CERN où collaborent des physiciens et physiciennes du monde entier. Plus de 17 000 personnes en tout dans le monde, 23 États membres et 11 États membres associés.

C’est peut-être le seul laboratoire au monde ou des chercheurs iraniens travaillent avec leurs homologues israéliens et palestiniens, mais pour combien de temps encore ? Car l’esprit du CERN où, rappelons-le, a été inventé le Web, le World Wide Web, né de l’esprit fertile de ces physiciens et physiciennes qui cherchaient un moyen de communiquer et de travailler ensemble aux quatre coins de la planète, cet esprit humaniste est aujourd’hui rattrapé par la guerre sur le sol européen, la guerre en Ukraine. Le CERN, laboratoire européen, a rompu son contrat avec la Russie et d’ici au 30 novembre, date butoir, ce sont des centaines de scientifiques russes qui seront expulsés, rappelle la revue Nature, à moins que ceux-ci ne rejoignent des laboratoires situés en dehors des frontières de la Russie. Loin de l’idéal pacifique, libertaire et sans frontières, c’est peut-être aussi pour cela que le CERN a tenu à mettre les petites particules dans les grandes toute cette année 2024 pour fêter son 70ᵉ anniversaire : célébration officielle à Genève mardi 1ᵉʳ octobre et, ce week-end du 28 septembre, à la Cité des sciences à Paris. Au programme : chasse à l’antimatière, aux bosons et aux neutrinos.

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