Jusqu’où va la science ?

Des empreintes de pas revisitent la préhistoire de l’humanité

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Des empreintes de pas vieilles de 1,5 million d’années, au Kenya, révèlent la cohabitation de deux espèces totalement différentes de préhumains, qui ont dû se croiser et partager le même territoire.

Une vue des bureaux des Musées nationaux du Kenya dans le parc national de Sibiloi, là où a été établi en 1968 le camp de base pour des fouilles archéologiques de Richard Leakey,  paléoanthropologue kényan d'origine britannique. (Image d'illustration)
Une vue des bureaux des Musées nationaux du Kenya dans le parc national de Sibiloi, là où a été établi en 1968 le camp de base pour des fouilles archéologiques de Richard Leakey, paléoanthropologue kényan d'origine britannique. (Image d'illustration) © Wikipedia CC BY-SA 3.0
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Découvertes en 2021 dans un état de conservation parfait, des empreintes de différents pas laissées depuis 1,5 million d’années dans la vase d’un ancien lac sur le site de Koobi Fora au Kenya ont tout de suite intrigué les paléontologues. Mais c’est l’analyse approfondie de ces empreintes, notamment la prise d’image en photogrammétrie pour les visualiser en trois dimensions, qui a révélé qu’il s’agissait de traces de pas entremêlées de deux espèces d’homininés (c’est-à-dire de deux représentants de la lignée humaine depuis sa séparation de celles de chimpanzés). Des espèces totalement différentes qui a priori n’auraient jamais dû se rencontrer et encore moins cohabiter : un paranthrope, lignée archaïque aujourd’hui éteinte, et un Homo erectus, c’est-à-dire un ancêtre des humains actuels. 

Comment ont procédé les chercheurs ? 

Pour déterminer à qui appartenaient ces empreintes qui se sont entrecroisées il y a 1,5 million d’années, le paléontologue Kevin Hatala, de l’université de Pittsburgh et de l’institut Max Planck d’anthropologie évolutive de Leipzig, auteur de l’étude parue dans la revue Science, s’est concentré sur une seule piste dite TS-2. Cette piste est caractérisée par une suite de treize pas qui se suivent, attribués à un seul individu et plusieurs empreintes isolées.

En analysant la courbure de la voûte plantaire des 13 empreintes du même individu, aucun doute, il s’agit d’un Paranthropus boisei, espèce archaïque aujourd’hui disparue. Mais les empreintes isolées, elles, sont différentes, bien plus proches des nôtres et quasiment identiques aux empreintes d’Homo erectus mis au jour en Namibie dans des sols comparables, vieilles de 500 ans seulement.

Ces Homo erectus et ce paranthrope ont donc marché au même endroit il y a 1,5 million d’années. À quelques heures ou quelques jours près, ils se sont probablement croisés et ont certainement cohabité et dû se partager le territoire, car de nombreux fossiles des deux espèces ont été exhumés dans cette région du Kenya. Les chercheurs sont déjà en train de se re-pencher sur d’autres empreintes croisées d’homininés dans la région, car la révélation d’une telle cohabitation entre espèces préhumaines si différentes, à tous les niveaux, ouvre une autre fenêtre inédite sur notre buissonnante préhistoire.

Et cela ne fait que commencer, car ce site de l’ancien lac de Koobi Fora au Kenya, particulièrement propice à la préservation d’empreintes, nous réserve encore des surprises, comme le souligne le paléontologue Kevin Hatala dans les pages sciences du journal Le Monde : « Il est réconfortant de savoir que nos ancêtres ont pu être des voisins pacifiques vis-à-vis d’autres espèces d’homininés pendant des centaines de milliers d’années. » À bon entendeur…  

À écouter dans Autour de la question Pourquoi le paléolithique, c’est pas automatique ?

 

 

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