Jusqu’où iront les baleines ? En termes de longévité, mais aussi en termes de distance parcourue lors de leurs migrations, les baleines pulvérisent tous les records et stupéfient les chercheurs qui les suivent.

Plus de 13 000 km depuis le large de la Colombie, c’est la distance faramineuse qu’a parcourue une baleine à bosse mâle, identifiée dans le canal de Zanzibar par la biologiste marine Ekaterina Kalashnikova et son équipe du programme tanzanien d’étude des cétacés. Un exploit aussi impressionnant qu’inhabituel, même pour cette espèce hautement migratrice, souligne la biologiste dans son étude parue dans la revue scientifique en libre accès The royal society open science, le 11 décembre dernier.
13 047 km exactement, c’est à ce jour la plus longue distance parcourue par une baleine à bosse. En moyenne, on le sait depuis des siècles, celles-ci suivent chaque année, en groupe constitué, à peu près les mêmes itinéraires. Elles parcourent dans les 6 000 km en moyenne, depuis la mer des Caraïbes ou l’océan Pacifique où elles se reproduisent en hiver, jusqu’aux océans glacés de l’Arctique au nord ou de l’Antarctique au sud où elles font des provisions de krill en été. Telle était la norme ou ce qu’on en savait jusqu’en 2010, où pour la première fois des chercheurs ont identifié au large de Madagascar une baleine à bosse femelle qui avait parcouru 10 000 km, depuis les eaux brésiliennes jusqu’au large de Madagascar. Et c’est ce record qui vient d’être battu en 2024 par son congénère, qui, lui, a dû longer toute la côte sud-américaine, franchir le cap Horn, contourner le cap de Bonne-Espérance avant de virer au nord sur la côte orientale de l’Afrique.
Des animaux qui s’adaptent au changement climatique
Un sacré périple migratoire à la fois excentré et excentrique que les biologistes marins peuvent désormais retracer grâce à une banque de données photographiques, Happy whale.com. Créé il y a 15 ans, ce site rassemble plus de 900 000 photos, prises par des professionnels comme des amateurs, de nageoires caudales de baleines, l’équivalent de nos empreintes digitales pour les cétacés. Le logiciel de cette banque de données permet aux biologistes marins d’identifier et de reconnaitre les baleines. C’est ainsi qu’ils ont retrouvé cette baleine à bosse mâle, qu’ils avaient repérée dans les eaux colombiennes, quelques mois plus tard, plus de 13 000 km plus loin, au large de Zanzibar.
Cette très longue odyssée montre aussi que certains « individus » baleines sont capables de quitter leur groupe et de changer d’itinéraire pour tracer leur propre route. Pourquoi et comment ? Les chercheurs émettent plusieurs hypothèses : la quête d’un partenaire disponible, mais aussi l’adaptation au changement climatique et océanique global. Et ça, c’est presque une bonne nouvelle pour la cétologue Fabienne Delfour, interrogée par Nathaniel Herzberg dans le quotidien Le Monde. Selon elle, cette plasticité comportementale des baleines pourrait leur permettre de faire face aux périls auxquels sont confrontés les cétacés… Des animaux extraordinaires dont on découvre aussi, grâce à ces banques de données démographiques, l’impressionnante longévité.
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Une longévité exceptionnelle
La durée de vie des mammifères marins dépend de leur espèce, mais pas seulement. Jusqu’à présent, la championne toutes catégories est la baleine boréale qui dépasse le cap des 150 ans, mais elle ne semble plus être une exception. Des écologues de l’université d’Alaska viennent de montrer dans une étude parue dans la revue Science Advances, le 20 décembre dernier, que les baleines franches australes peuvent dépasser les 131 ans, un record comparé à leurs congénères de l’Atlantique Nord qui ne dépassent pas les 50 ans. Elles sont pourtant quasi identiques génétiquement. Pour l’écologue Greg Breed, qui a mené cette étude, la mortalité des baleines franches de l’Atlantique Nord s’expliquerait donc principalement par l’action délétère des activités humaines : surpêche et pollution sonore sous-marine entre autres.
Rappelons qu’au début du 20ᵉ siècle, on dénombrait plus de 20 000 baleines franches en Atlantique Nord, elles n’étaient plus que 373 en 2023 et ça, c’est le plus triste des records.
À écouter dans Autour de la question Comment se glisser dans la peau d’un dauphin ?
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