Les scientifiques s’intéressent de très près à nos oreilles : deux études complémentaires parues les 9 et 10 janvier dans les revues Nature et Science révèlent que les oreilles externes des mammifères sont faites d’un cartilage très particulier que l’on ne retrouve que dans les branchies des poissons.

Découverte inattendue et même inouïe, car l’origine de l’apparition et de l’évolution des oreilles externes restait jusqu’à présent un mystère. Rappelons que seuls les mammifères sont dotés de ces deux organes proéminents, complexes et flexibles, qu’on appelle oreilles externes.
Essentielles pour entendre et s’entendre, être alerté d’un danger, mais aussi, pour nous humains, pour écouter de la musique ou la radio… Les oreilles, chez les chiens par exemple, servent aussi, selon qu’elles sont dressées ou abaissées, à signaler leur humeur ; chez les chauves-souris, leurs oreilles antennes extraordinairement sophistiquées leur permettent d’écholocaliser leurs proies ; tandis que les grandes oreilles des éléphants leur servent aussi d’éventail pendant les fortes chaleurs.
Polyvalentes les oreilles et surtout étonnamment flexibles… C’est en étudiant des oreilles de souris que le biologiste du développement Maksim Plikus et ses collègues de l'université de Californie Irvine ont découvert que leur cartilage est totalement différent des autres cartilages du corps, tous très secs et cassants. Les cellules qui composent le cartilage des oreilles des souris comme des humains sont pleines de lipides. Pour vous donner une image, c'est un peu comme un film à bulle, chaque cellule du cartilage des oreilles étant remplie de lipides qui s’empilent, s’imbriquent, un peu comme des briques de Lego, ce qui assure leur flexibilité.
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Un cartilage inconnu qui expliquerait l'audition exceptionnelle des mammifères
Les chercheurs de l’université de Californie Irvine ont également découvert, dans leur étude, parue le 10 janvier dans la revue Science, que l’on ne retrouve ce genre de cartilage ni chez les reptiles ni chez les oiseaux, animaux qui n’ont pas d’oreilles externes, il s’agirait donc d’un type de cartilage jusqu’alors inconnu qui pourrait expliquer l’audition exceptionnelle des mammifères. Voilà qui ouvre un nouveau champ de recherche autour de ce cartilage spécifique de l’oreille externe, d’autant que jusqu’à présent, le cartilage ne se fossilisant pas, il était impossible d’étudier sur le temps long de l’évolution le développement des organes cartilagineux.
Quand et comment les oreilles externes se sont développées chez les mammifères restait un mystère que les outils de la génétique permettent aujourd’hui d’éclairer en les étudiant au niveau embryonnaire. C’est ainsi que d’autres biologistes du développement de l’université de Californie du Sud, qui étudient la formation des branchies chez le poisson-zèbre, ont aussi mis en évidence un type de cartilage inconnu et spécifique. En comparant le cartilage de branchies du poisson-zèbre et celui des oreilles externes des mammifères, le biologiste J. Gage Crump et ses collègues ont découvert qu’ils partageaient des séquences entières d’ADN. Et que ce sont bien les mêmes gènes exprimés différemment, avec plus ou moins de lipides dans leurs cellules, qui produisent les branchies chez les poissons et les oreilles externes chez les mammifères. La conclusion de leur étude, parue le 9 janvier dans la revue Nature, ouvre d’étonnantes perspectives notamment pour réparer d’autres cartilages du visage et du cou, grâce donc à nos oreilles qui sont « le reste évolutif des tout premiers cartilages du vivant. » À bon entendeur.
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